Banquet d’automne 2017

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Le Banquet du livre d'automne 2017

La poésie aujourd'hui

du vendredi 17 au dimanche 19 novembre

rencontres | lectures | librairie
lectures musicales | soirée cinéma | café-restaurant

La poésie, aujourd’hui en France, qui concerne-t-elle ? On a parfois l’impression que ses faibles ventes, ses tirages réduits, l’indifférence générale de la grande presse, la multiplication des petites structures qui, à côté de quelques très rares grands éditeurs, s’obstinent à la publier, la vouent à une forme de clandestinité. Elle est exclue du champ des débats contemporains, exclue du champ social, politique (même si les poètes, eux, s’intéressent à la politique), intellectuel et même artistique. On a peine à croire qu’il y a cent ans, un premier livre de poèmes, et non un premier roman, était pour un auteur débutant le meilleur moyen de se faire remarquer, dût il par la suite, comme Gide ou Mauriac, quasiment ne plus écrire qu’en prose. Les poètes classiques sont peut-être encore lus à l’école, les poètes vivants, ne sont entendus que par bribes et par exception. Les efforts des institutions culturelles pour attirer des lecteurs vers la poésie n’ont pas manqué, mais sans vraiment changer la donne.
Est-ce grave ? Faut-il se décider à chercher la poésie ailleurs que dans les poèmes ? Faut-il se résigner à sa disparition ? Est-ce la faute des poètes s’ils ne sont pas entendus ? Faut-il s’attendre à ce que cela change ? Si l’on observe quelque peu le paysage de la poésie contemporaine, on s’aperçoit qu’il est sans doute d’autant plus violemment et (semble-t-il) irrémédiablement fracturé qu’il forme un monde à part. C’est un fait : la poésie divise les poètes plus qu’elle ne les réunit. Et elle intimide nombre de lecteurs : elle apparaît souvent comme une affaire d’initiés. Pourtant, elle n’est pas sans public. Les travaux qui la concernent, qu’il s’agisse d’essais, de critique, d’édition ou de traduction, à l’université et en dehors de l’université, ne sont pas rares. Les poètes eux-mêmes, qu’ont-ils à dire de ce silence qui les entoure ? Que font les poètes français d’aujourd’hui de la poésie qui s’écrit ailleurs, autrement, y compris dans leur langue ?
Ces questions, avant de trouver une réponse, doivent être d’abord ordonnées et mieux formulées. C’est à quoi l’on essaiera de s’employer au cours de ces journées. Jean-Yves Masson

Les auteurs invités

Olivier Barbarant est né en 1966, il est poète et inspecteur général de l’Éducation nationale. Il a dirigé la publication de l’œuvre poétique d’Aragon dans la Bibliothèque de la Pléiade. La plupart de ses ouvrages ont paru aux éditions Champ Vallon. Une anthologie de ses poèmes est parue en 2016 dans la collection Poésie/Gallimard : Odes dérisoires et autres poèmes, préface de Jean-Baptiste Para.

Arno Bertina né en 1975, est écrivain. Il est l’auteur de romans, publiés notamment chez Actes Sud et Verticales, et de multiples récits, essais. Il collabore à diverses revues littéraires : NRF, Esprit, Critique, et inculte dont il est co-fondateur.
Son dernier ouvrage : Des châteaux qui brûlent, Verticales, 2017

Jean-Yves Masson, né en 1962, est romancier, traducteur, éditeur, critique et poète. Il enseigne la littérature comparée à la Sorbonne. Ses premiers poèmes ont été publiés dans la NRF en 1986 et il a collaboré à de nombreuses revues, dont Polyphonies. Ses nouvelles, romans et essai ont paru chez Verdier, il dirige chez ce même éditeur la collection de littératures germaniques.
Bibliographie poétique : Onzains de la Nuit et du désir prix Roger-Kowalski ; Offrandes, 1995 ; Poèmes du festin céleste, 2002 ; Neuvains du sommeil et de la sagesse, 2007, prix Max Jacob.

Yvan Mignot, né en 1942, est poète et traducteur. Il vit en Ardèche. Agrégé de russe, il écrit en français et en russe. Il participe aux revues Action poétique, Change, Banana Split, IF, Petite, Camion et Europe (notamment le numéro consacré à Khlebnikov). Il a traduit et édité les œuvres de Daniil Harms et Vélimir Khlebnikov aux éditions Verdier.

Serge Pey est né en 1950. Enfant de l’immigration et de la guerre civile espagnole, depuis toujours engagé politiquement, il découvre très tôt la poésie : Lorca, Whitman, Machado, Rimbaud, Villon, Baudelaire, Yannis Rítsos, Elytis, Alfred Jarry, Tristan Tzara, les troubadours, Antonin Artaud, des poésies chamaniques aux dadaïstes. C’est au début des années soixante-dix qu’il inaugure son travail de poésie d’action et expérimente, dans toutes ses formes, l’espace oral de la poésie. En 1975 il crée la revue Émeute puis en 1981 les éditions Tribu.

Valérie Rouzeau, née en 1967, est poète et traductrice. Elle participe à de nombreuses rencontres littéraires (notamment à la Maison des écrivains), publie dans diverses revues poétiques et anime des ateliers dans les établissements scolaires. Elle lit également de la poésie à l’occasion de lectures publiques et radiophoniques. Elle a traduit notamment Sylvia Plath, Williams Carlos Williams, Emily Dickinson. Elle a publié aux éditions de La Table ronde Vrouz! en 2012 et Va où en 2015.

James Sacré est né en 1939. Il passe son enfance et son adolescence à la ferme de ses parents en Vendée. En 1935, il part vivre aux États-Unis. Longtemps enseignant dans une université du Massachusetts, il fait de nombreux séjours en France et voyage dans d’autres pays. Trois de ses principaux recueils ont été réunis en un volume sous le titre Figures qui bougent un peu, 2015. Parmi ses derniers ouvrages : Un désir d’arbres dans les mots, Dans l’œil de l’oubli suivi de Rougigogne, Affaires d’écriture.

Le programme

Vendredi 17  novembre

16heures : Conférence inaugurale de Jean-Yves Masson
La poésie est exclue du champ des débats contemporains, du champ social, politique, intellectuel et même artistique. Que disent les poètes de ce silence ?

18heures : Rencontre avec Valérie Rouzeau,
Sens averse
L’écriture d’un poème peut représenter pour moi un moyen de réparer (la « mécanicienne » en atteste !) ce qui marche mal ou ne marche pas dans la vie, voire de se venger des méchancetés et autres vacheries de l’existence. André Breton écrit au début du premier Manifeste du surréalisme que « la poésie porte en elle la compensation parfaite des misères que nous endurons ».
Enfin, si j’en viens à ma pratique artistique, mon patinage de paroles, le poème s’est sans doute imposé dès l’enfance comme premier moyen du bord, nous vivions loin des villes, mais le bibliobus passait à l’école et j’avais toujours de quoi lire et écrire. V. R.

21heures : Soirée lecture
Les textes des auteurs invités au Banquet de cet automne seront mis en jeu, en musique, en voix par les étudiants du Master « Création littéraire » de l’université Jean-Jaurès de Toulouse, tant « le poète est celui qui inspire bien plus que celui qui est inspiré » (Paul Eluard). De la lecture neutre à la lecture créative, la gamme est large et nous promet de belles surprises.

Samedi 18  novembre
11heures: Un poète parle d’un poète.
Olivier Barbarant, Valérie Rouzeau et James Sacré évoquent l’œuvre d’un poète de leur choix – vivant ou mort, qui a déterminé leur rapport à la poésie ou qui est injustement méconnu, ou encore pour la singularité de son œuvre… Il sera question de Philippe Jaccottet, de Christian Bachelin et de Gaston Chaissac.

16heures: Rencontre avec Olivier Barbarant
Ce que peut (selon moi) le poème aujourd’hui
« Un homme n’est pas fait que du temps intime, du cœur qui cogne ou bien se tait. » Barbarant possède l’art de se penser et de se raconter au travers de cet autre « temps », commun, historique. C’est d’ailleurs ce qui fait l’originalité de sa démarche poétique : trouver une place, décalée, mouvante, jamais acquise dans le champ d’une époque – celles de l’enfance et de l’adolescence de l’écrivain. De sensibilité anarchiste mais attaché à la culture communiste et à ses grandes figures, Barbarant se refuse à épouser les grands mouvements de flux et surtout de reflux de l’espoir révolutionnaire. Il ne fait pas sienne cette « forme insupportable de la bonne conscience » qui, après la chute du communisme, tira « de son échec la certitude d’avoir toujours eu raison », Patrick Kéchichian, Le Monde.

18heures: Rencontre avec James Sacré
Si le poème est un geste vraiment, et pour quoi dire et montrer.
James Sacré évoquera les liens du poème avec les choses et les paysages, avec des visages, avec les mots. Il illustrera son propos de lectures d’extraits de textes.
« Il n’y a pas pour moi d’écart entre littérarité et lyrisme. On pourrait dire que la littérarité est davantage un sentiment de la matérialité de l’écriture, des mots, d’une phrase et que le lyrisme, c’est peut-être comme pouvoir mettre dans ces mots un désir d’autre chose qui dépasserait ces mots ou serait derrière. Mais ça finit par se rejoindre. […] J’aime bien que la matière des mots soit là et, non pas m’entraîne, mais me permette de continuer à être », James Sacré, Le Matricule des Anges.

21h30: Rencontre avec Yvan Mignot
Khlebnikov dans la steppe stellaire
Yvan Mignot est le traducteur et l’éditeur en français de l’œuvre de Vélimir Khlebnikov (1885-1922) qu’il a fréquentée pendant des décennies. Il dessinera un parcours à travers les écrits de cet écrivain majeur de la littérature russe du vingtième siècle.
Qui est Vélimir Khlebnikov ? De quoi parle le Khlebnikov de la maturité, c’est-à-dire d’après 1917 ? La révolution d’Octobre a eu lieu, mais a-t-elle inventé une langue de révolution ? Vélimir Khlebnikov tend vers un impossible et donne à voir le visage sévère de son siècle. « Je pense écrire une chose dans laquelle toute l’humanité, 3 milliards, participerait et où elle serait obligée de jouer. Mais la langue habituelle ne convient pas pour la chose, il va falloir pas à pas en créer une nouvelle » (Lettre à Maïakovski, 18 février 1921).

Dimanche 19  novembre
11heures: Retour d’atelier par Arno Bertina
De janvier à avril 2017, Arno Bertina a animé à la Maison du Banquet de Lagrasse un atelier, « Les poètes et le monde d’aujourd’hui ». Il vient ici rendre compte de cette expérience. « Peu importe que la logique du panorama empêche l’étude approfondie des livres qu’on s’apprête à citer ; l’enjeu ou l’urgence ne sont pas là, mais dans la nécessité d’indiquer un nous, une dynamique et des passions – un nous dans le poème censé permettre qu’en existe un autre, en dehors du livre », Arno Bertina, Critique n° 841.

15heures: Rencontre avec Jean-Yves Masson
Le chemin du poème est un chemin de ronde
« Tel est le destin de la poésie, sinon sa vocation, que d’être impure, bienheureusement impure. De ne pouvoir nier son écartèlement entre la beauté des astres qui l’invite à la louange et les agonies du cœur de l’homme qui justifient tous les cris ; tel est le sens que je vois à la poésie, de n’être ni entièrement humaine ni divine, ni toute d’esprit, ni toute de chair, mais un mixte, un composé, un mélange en attente de ce qui lui donnera sens, comme nous sommes, nous, également riches et pauvres, affrontés à la mort qui est autant notre alliée que notre ennemie », Le Chemin de ronde, Voix d’Encre, 2003.

16h30: Entretien de Serge Pey avec les étudiants de l’université de Toulouse
Serge Pey se définit souvent comme un poète situationniste. Sa poésie « surgit comme une barricade au milieu de la poésie précieuse et courtisane de notre siècle. Elle s’inscrit dans un mouvement d’avant-garde radical, qui ouvre de nouveaux espaces dans la rupture des frontières de l’art. Cette poésie, que parfois son auteur a nommée poésie publique, ne s’arrête pas à la publication d’un texte. Elle est une mise en situation de sa parole ».

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