Hommage à Gérard Bobillier

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BobillierGérard Bobillier a été l’un des fondateurs des Éditions Verdier ; il a impulsé la création de la Maison du Banquet et des générations.

Il est mort d’un cancer le 5 octobre 2009.

Voici le communiqué des Éditions Verdier, publié à sa mort, puis un choix d’articles parus à ce moment-là.

 « Les Éditions Verdier font part du décès de Gérard BOBILLIER, leur directeur fondateur, le lundi 5 octobre à Carcassonne.

Gérard Bobillier a affronté le cancer qui l’avait frappé depuis plus d’un an, avec un vouloir vivre et un rare courage, une volonté exceptionnelle d’honorer le vivant à son plus haut point de dignité.

Né à Besançon le 12 octobre 1945, Gérard Bobillier s’engage au cours des années 68 dans la cause révolutionnaire avec la détermination et la générosité qui l’ont caractérisé sa vie durant. De la Gauche Prolétarienne, en passant par LIP, Toulouse et les Corbières, où il accompagne en 1976 la lutte des viticulteurs de l’Aude, il a été de tous les combats.

Dans ce pays des Corbières qu’il aimait particulièrement, tout en se méfiant de l’illusion dangereuse d’un enracinement identitaire, il fonde en 1979 avec Benny Lévy et quelques amis les Editions Verdier, étant convaincu que l’au-delà du « tout politique » passe par une mise en réserve de l’engagement politique et par la longue patience de l’étude des textes fondateurs. L’effort exigeant de la pensée suppose d’œuvrer à la circulation des textes et des idées.

Les Éditions Verdier ont trente ans cette année. Elles sont riches d’un catalogue qui traduit fidèlement le geste inaugural voulu par Gérard Bobillier.
Au premier plan, s’y inscrivent des collections de textes des grandes spiritualités. Tout particulièrement, la collection des « Dix Paroles », longtemps dirigée par Charles Mopsik, à travers la publication des traductions françaises d’ouvrages fondateurs tels que Le Guide des Egarés, de Moïse Maïmonide, les Traités du Talmud, ou encore le Zohar, s’efforce de permettre l’étude des grands textes philosophiques et spirituels de la tradition juive.

La publication de grands textes de la philosophie – qu’il s’agisse Des Premiers Principes de Damascius (dans la traduction de Marie-Claire Galpérine) ou bien De la véracité du philosophe Guy Lardreau, des Essais hérétiques de Jan Patocka, ou bien encore de Rousseau : une philosophie de l’âme, de Paul Audi – obéissait à sa conviction que l’urgence de ce temps est de créer un espace de tension fertile « entre Athènes et Jérusalem ».

De même en est-il des autres textes de pensée et de sciences humaines qui figurent au catalogue : citons au fil des pages les livres de Jean-Claude Milner, de l’historien Carlo Ginzburg ou bien d’Henri Meschonnic.

Enfin, le catalogue Verdier offre à lire des auteurs français ou étrangers parmi les meilleurs de la littérature contemporaine – Gérard Bobillier était convaincu que, dans ce qu’elle a de plus haut, la littérature est la chair de la Pensée. Ainsi a-t-il été l’éditeur de Pierre Michon avec qui il a entretenu un long compagnonnage d’amitié et de pensée, ou encore de Pierre Bergounioux.

Par ailleurs, à côté des éditions Verdier, Gérard Bobillier a impulsé de façon décisive, comme il savait le faire, la création de la Maison du Banquet et des générations, à Lagrasse, dans ce même pays des Corbières, qui organise notamment depuis 1995 le « Banquet du Livre », au mois d’août. C’est là un lieu rayonnant d’étude et d’échange, autour du livre et de la pensée. Sa vie, Gérard Bobillier l’avait dédiée à cette exigence.

Gérard Bobillier était en un sens platonicien, en ce qu’il refusait obstinément – et quoi qu’il lui en coûtât – la pénombre de la Caverne et le jeu des apparences trompeuses : il s’est toujours attaché à en sortir pour s’approcher de la lumière des idées. Ce fut là sa grande proximité avec Benny Lévy : cette exigence permanente de l’absolu, conduisant à accepter de se brûler aux « dangers du social ». En cela, Gérard Bobillier recherchait sans cesse la beauté du monde (« somptueux » était un qualificatif qu’il affectionnait de pouvoir énoncer) dans tout ce qu’il entrevoyait de trace de l’absolu.

Chaque jour de sa vie, il savait que l’homme empirique n’est rien – strictement – et que « le nom de l’homme » indique une tâche : ce qui est à faire advenir par chacun de ses actes et paroles. Agnostique, athée de par les nécessités de sa propre histoire, Gérard Bobillier s’est en cela trouvé en profonde connivence avec la pensée juive.

Tout au long de son parcours, et jusqu’au bout, il a eu également ceci de juif qu’il manifesta un fort attachement à la vie. Il incarna toujours le vivant – tout en se déprenant de l’être, « car être et n’être plus sont pareille malédiction », pour toujours se risquer à un « autrement qu’être », faisant des lectures les plus hautes de Sartre et Lévinas son programme de vie.

Sa générosité extrême à l’égard d’autrui vient de là. Il aura su tirer vers les plus hautes exigences de la Pensée chacun de ses proches qu’il assignait inlassablement à cette tâche.

Par cette convocation, ainsi aura-t-il fédéré une communauté de « copains ».

Autres articles

| Libération | Le Monde | L’Humanité | L’Indépendant | Le Midi Libre | Sud Ouest | Livres Hebdo | Le Nouvel Obs.com | Politis | Télérama | Le Magazine Littéraire |

  • Ecouter l’hommage de Pierre Michon dans l’émission « Tout arrive » le 6 octobre 2009 sur France Culture
  • Ecouter l’hommage de Jean-Claude Milner, Martin Rueff, Tiphaine Samoyault et Patrick Boucheron dans l’émission « A plus d’un titre »  le 7 octobre 2009 sur France Culture
  • Un témoignage, sur le web…
  • L’hommage d’Olivier Rolin, en conclusion de son dernier livre : Bakou, derniers jours (Seuil, Fiction et Cie, 2010)

 

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