École de littérature 2016

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Les Rencontres littéraires 2016

Samedi 30 janvier à 16 h

Rencontre avec Christian Garcin

à l’occasion de la parution de son dernier récit, Les Vies multiples de Jeremiah Reynolds (Stock, janvier 2016)

Conversation-lecture-débat avec l’auteur

Christian Garcin vit à Marseille où il est né en 1959. Après avoir travaillé en tant que professeur de français et guide interprète, il décide de se consacrer à temps plein à l’écriture. Grand voyageur, il est l’auteur d’une œuvre vaste comprenant des romans, des nouvelles, des poèmes, des essais, et quelques livres inclassables (lexiques, évocations littéraires ou picturales, fictions biographiques) aux éditions Gallimard, l’Escampette, Stock et Verdier. Parmi ses dernières publications : Borges, de loin, essai, éd. Gallimard, 2012 ; Les Nuits de Vladivostok, roman, éd. Stock, 2013 ; Ienisseï, carnets de route, éd. Verdier, 2014 ; Selon Vincent, Stock, 2014 ; La Loi des bêtes, nouvelle, illustrations de Philippe Favier, éd. du Chemin de fer, 2015. Il a aussi publié un livre de photos, Le Minimum visible, Le Bec en l’air, 2011.
Son dernier ouvrage, Les Vies multiples de Jeremiah Reynolds, est dans la première sélection du Grand Prix RTL – Lire 2016.
On retrouve certains thèmes de prédilection dans ses écrits, comme la solitude, la frontière (réelle ou imaginaire), les souvenirs, la fuite. Ses romans sont peuplés de personnages multiples souvent extravagants.
Ses romans sont traduits en italien, catalan, portugais, allemand et russe.
Il reçoit en 2012 le Prix Roland-de-Jouvenel de l’Académie Française pour son roman Des femmes disparaissent, Verdier, 2011 (rééd. Points/Seuil) et le Prix Roger-Caillois, 2012, pour l’ensemble de son œuvre, à l’occasion de la parution de son essai Borges, de loin.

Photo-garcin

À PROPOS DES VIES MULTIPLES DE JEREMIAH REYNOLDS, PRÉSENTATION DE L’ÉDITEUR 

Étonnant et fulgurant destin que celui de Jeremiah Reynolds : après avoir probablement été le premier homme à poser le pied sur le continent antarctique en 1829 et avoir fait de cette expédition un récit qui influença Edgar Allan Poe pour ses Aventures d’Arthur Gordon Pym, il devint colonel pendant la guerre civile chilienne, chef militaire des armées mapuches, avocat à New York, effectua un demi-tour du monde, et écrivit un récit de chasse au cachalot blanc qui fut peut-être à la source d’un des romans les plus lus et les plus commentés de la littérature américaine et mondiale.

EXTRAIT DES VIES MULTIPLES DE JEREMIAH REYNOLDS, P. 107, 108

À nouveau la nostalgie le gagnait. Il se disait que, pour lui, le temps de l’action était révolu, et ne savait pas s’il devait le regretter ou non. Il avait à peine trente-trois ans, mais avait le sentiment d’avoir déjà vécu plusieurs vies. Au demeurant, sa jambe presque raide lui interdisait toute velléité d’engagement physique. Il avait été un des premiers, si ce n’est le premier, à poser le pied sur les rives du continent le plus froid du monde, avait failli y laisser sa peau, avait combattu dans les rangs de l’armée chilienne, puis des armées mapuches, avait frôlé la mort dix fois : tout cela était terminé à présent. Ce qu’il voulait, tentait-il de se persuader, c’était monter une affaire prospère, avoir une vie tranquille, lire et écrire peut-être, raconter par exemple l’histoire de Lewis et de son cachalot blanc, ou faire le récit de son expédition antarctique.
Pourtant dans le même temps, et sans qu’il se l’avouât vraiment, continuaient de couver au fond de lui les braises du désir d’aventure. À côté de l’image, à laquelle il ne croyait pas tout à fait, de lui-même commerçant prospère le jour et écrivain le soir dans un bureau de New York ou Philadelphie s’imposait peu à peu une autre, celle d’un aventurier qui, en dépit de sa patte folle, parcourait les mers, explorait des terres inconnues , et tentait à nouveau de monter une expédition pour vérifier la théorie de Symmes, cette histoire délirante de monde creux à laquelle il repensait souvent – et, accessoirement, pour s’enrichir grâce au commerce de phoques ou de baleines.
Les semaines passaient, et le claquement sec des drisses dans le port de Valparaiso, les odeurs de varech, les combats d’otaries qui se disputaient les restes de poissons près du port de pêche, les cris des goélands, les conversations des pêcheurs, des marins le soir dans les tavernes, tout contribuait à lui rappelait qu’il est difficile d’aller contre sa nature profonde, et que « ce qui ne peut être évité, il le faut embrasser ».
Le 24 octobre 1832, la frégate américaine USF Potomac fit halte à Valparaiso. Le navire, sous les ordres du commodore John Downes, rentrait d’une expédition punitive à Sumatra en réponse au massacre d’une partie de l’équipage du cargo Freindship un an auparavant et au pillage de sa cargaison par des pirates malaisiens. Un village entier nommé Quallah-Battoo avait été détruit, les troupes du rajah local défaites, quatre cent cinquante indigènes tués : la mission avait été un beau succès. Le Potomac, qui était parti de New York, devait continuer sa route afin d’effectuer une circumnavigation du globe, et Valparaiso était une de ses escales.
Il faut croire que certains lieux sont plus propices que d’autres aux rencontres décisives. Ou peut-être était-ce que le temps finalement s’était plié comme Reynolds l’avait décidé, mais avec des conséquences auxquelles il n’avait pas pensé. Toujours est-il que c’est dans le restaurant Moulin rouge, toujours tenu par le Français Henry Dubern, à la même table où deux ans plus tôt, juste à côté de la sienne, se tenait assis Philip P. King, que Reynolds, lia conversation avec le commodore John Downes. Ce dernier avait besoin d’un secrétaire particulier pour la suite de son voyage. Reynolds, d’un horizon à déboucher et d’un futur à conquérir. Il fit valoir ses mois de navigation à bord de l’Annawan et de l’Adventure, son expérience du monde et des hommes, sa culture et son habileté à manier les mots tant à l’oral qu’à l’écrit. Il fut engagé.
À cette époque, on l’a déjà dit, les choses pouvaient parfois se passer très simplement.

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LA PRESSE EN PARLE 

À propos de Selon Vincent, Stock, 2014 :

Autant d’histoires, d’aventures, de personnages, de registres littéraires, portés par la tendresse d’un regard teinté de mélancolie, piqué d’humour et de fantaisie, qui brossent, page après page, un monde à la magie secrète, irrésistible et fascinant.
Michel Abescat, Télérama, 2014

À propos Des femmes disparaissent, Verdier, 2011 :

Certains livres, comme des contrats d’assurance, doivent être lus avec attention, de toutes petites lignes contiennent parfois d’importantes informations qui pourraient se retourner contre vous lorsqu’il sera trop tard. Ici, dans le bas de la page 8, à gauche, avant même le prologue, on peut, on doit, à l’aide d’une loupe, lire ceci et ne jamais l’oublier « Chen Wanglin est un jeune Chinois (né en 1983) qui vit à Pékin. Il écrit toutes sortes d’histoires qu’il ne termine pas toujours. Le détective privé, Zhu Wenguang, dit Zuo Luo, ou Zorro, lui a inspiré ce récit […]. » Maintenant, vous pouvez y aller.
Jean-Baptiste Harang, Le Magazine littéraire, 2011

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Samedi 27 février à 16 h

Rencontre avec marie cosnay

autour de son dernier roman, cordelia la guerre (éd. de l’ogre, 2015)

Conversation-lecture-débat avec l’auteur

Marie Cosnay vit à Bayonne dans le Pays basque. Elle est professeure de lettres classiques, traductrice de textes antiques et écrivaine. Elle a publié des textes dans de nombreuses revues et des romans aux éditions Cheyne, Verdier, Laurence Teper et Quidam. Elle publie également des livres sous forme numérique chez Publie.net.
Sur le site d’information Mediapart, elle tient un blog qui témoigne de son engagement politique (les migrants), et de son expérience scolaire.

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À PROPOS DE CORDELIA LA GUERRE

Cordelia la guerre s’ouvre sur la découverte, dans une zone frontalière, d’une Cadillac accidentée, auxquels sont liés de mystérieux rubis et une femme amnésique. Elle entraîne Ziad, Zelda et Durruty dans une enquête policière banale. Parallèlement, dans un temps et un lieu qui semblent similaires, la trame du Roi Lear se met en place et se mêle de plus en plus à l’intrigue initiale sans qu’un lien puisse être, dans un premier temps, établi. La tragédie shakespearienne est ici relue par le prisme d’une intrigue politico-mafieuse où se mêlent migration, trafic et lutte pour le contrôle du territoire.
L’enquête elle-même disparaît, comme emportée par la guerre, ne refaisant surface que de manière intermittente. La guerre sourde, celle de la succession et des territoires que mènent Cordelia, Réjane et Gonéril – les filles de Lear – et Gabrielle – la fille du Grec, qui conduit une armée de déshérités –, masque celle qui hurle au loin opposant le Nord est le Sud.
La géographie mise en place par Marie Cosnay est à la fois familière et étrange, à la fois contemporaine et universelle : une fourche bordée par la mer, les forêts, les promontoires et les architectures urbaines – nous pourrions être à Calais ou à Lampedusa, tant la sensation de frontière est forte. Au milieu de cette ville, un fleuve en crue qui change de couleur à mesure qu’il grossit. Chaque espace est le siège possible d’une révolte, d’une métamorphose. Les personnages qui les habitent sont à la fois acteurs et spectateurs, emportés par la guerre, aux prises avec la mutation géographique et politique de leur environnement, ils se perdent, se raccrochent à l’enquête, aux héros qui émergent et qui dans la poussière des combats semblent leur indiquer un avenir possible.
Cordelia la Guerre est un roman en feu, qui, comme la géographie dans laquelle il se déploie, emporte tout sur son passage. La langue de Marie Cosnay est dense, tendue, tour à tour sèche et hallucinée. Elle déborde le réel, comme en crue, et, dans les failles qu’elle crée, surgissent des mythes anciens, des femmes soldats, des hiboux et des chevelures en feu. Marie Cosnay ne cesse de jouer avec l’envie que nous avons de comprendre les événements, d’atteindre une hypothétique vérité. Cordelia la Guerre est un roman multiple, à la fois épique, policier, contemporain et mythologique.
Cordelia la Guerre est habité par une forme d’urgence, il faut prendre en note, raconter la guerre, l’enquête, ne pas s’attarder, restituer le trouble qui entache tout ce qui se déroule sous nos yeux. Il s’agit de rendre compte, au plus vite, coûte que coûte, et tant pis si les faits ne sont pas toujours précis ou si les motivations de certains personnages restent opaques. On n’a pas le temps, il s’agit d’avancer, de raconter, de survivre. Il nous emmène dans un tourbillon dont le souffle met au jour la matière d’un monde qui s’effondre. C’est en réalité notre contemporain qui se joue sous nos yeux, et Marie Cosnay en révèle toute la densité sociale et politique.
C’est d’ailleurs tout l’intérêt de la langue de Marie Cosnay, au-delà de sa beauté, puisqu’à la différence d’autres œuvres épiques, le lecteur n’est pas spectateur, mais quasiment acteur de l’aventure. Le dispositif mis en place dans Cordelia, le fait que les thèmes abordés soient profondément ancrés dans notre réel (flux migratoire, capitalisme) et la richesse poétique de sa langue, donne au lecteur le sentiment de participer à l’intrigue.
Voilà, entre autres, ce que fait la langue, cette langue si étrange par moments. Elle interroge notre position, notre réel et recrée en nous le sentiment de l’urgence politique et du trouble. L’univers se délite, et il est impossible de savoir par quel bout nous pouvons commencer à réparer le monde.

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 Samedi 19 mars à 17 h

Rencontre avec CÉCILE LADJALI

autour de son dernier roman, ILLETTRÉ (éd. ACTES SUD 2016)

Conversation-lecture-débat avec l’auteur
Entrée libre et gratuite

Cécile Ladjali, d’origine iranienne, est née à Lausanne en 1971. Agrégée de lettres modernes, elle vit à Paris, où elle enseigne la littérature dans le secondaire ainsi qu’à la Sorbonne nouvelle.
Ses romans sont publiés chez Actes Sud : Les Souffleurs (2004 ; Babel n° 970), La Chapelle Ajax (2005), Louis et la jeune fille (2006), Les Vies d’Emily Pearl (2008), Ordalie (2009), Aral (2012 ; Babel n° 1163), Shâb ou la nuit (2013) et Corps et âme (collection « Essences », 2013). En 2009 a également paru chez Actes Sud-Papiers sa pièce de théâtre Hamlet/Electre.
Des travaux d’écriture qu’elle propose à ses élèves, elle a tiré un recueil de poèmes, Murmures, publié en 2001 chez l’Esprit des péninsules, et une tragédie, Tohu-Bohu, en 2002, chez le même éditeur, mise en scène par William Mesguich à l’Espace Rachi ; en 2003, elle publie chez Albin Michel Éloge de la transmission. Le maître et l’élève, issu de sa conversation avec George Steiner.

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À PROPOS D’ILLETTRÉ

Le résumé
llettré raconte l’histoire de Léo, vingt ans, discret jeune homme de la cité Gagarine, porte de Saint-Ouen, qui chaque matin pointe à l’usine et s’installe devant sa presse ou son massicot. Dans le vacarme de l’atelier d’imprimerie, toute la journée défilent des lettres que Léo identifie vaguement à leur forme. Élevé par une grand-mère analphabète, qui a inconsciemment maintenu au-dessus de lui la chape de plomb de l’ignorance, il a quitté le collège à treize ans, régressé et vite oublié les rudiments appris à l’école. Puis les choses écrites lui sont devenues peu à peu de menaçantes énigmes. Désormais, sa vie d’adulte est entravée par cette tare invisible qui grippe tant ses sentiments que ses actes et l’oblige à tromper les apparences, notamment face à sa jolie voisine, Sibylle, l’infirmière venue le soigner après un accident. Réapprendre à lire ? Renouer avec les mots ? En lui et autour de lui la bonne volonté est sensible, mais la tâche est ardue et l’incapacité de Léo renvoie vite chacun à la réalité de ses manques : le ciel semble se refermer lentement devant celui que les signes fuient et que l’humanité des autres ignore.
Centré sur le combat de Léo contre son illettrisme, le nouveau roman de Cécile Ladjali est un livre d’énergie et de conviction qui ouvre une voie imprévue et poétique sur ce handicap invisible, poursuivant une réflexion qui lui est chère autour des mots, de l’école, de la dignité et de l’estime de soi, impossibles sans le langage.

Illettré vu par l’auteure
« Que ce soit aux étudiants de la Sorbonne Nouvelle, aux lycéens de Seine-Saint-Denis, ou aux enfants malentendants du Cours Morvan, je dis toujours à mes classes que le bonheur, l’estime de soi, l’empathie sont des principes que seul le langage permet. J’ajoute que les livres étudiés sont l’examen de la vie. Un surcroît d’existence, dont chaque lecteur devient l’actionnaire secret. Car la langue est notre chair. Notre ontologie. En tant que professeur de lettres, j’ai constaté l’incroyable épanouissement des consciences capables de formuler et ainsi de se dire tout en disant le monde. À l’inverse, j’ai senti la détresse de celui qui ne parvenait pas à le faire. Illettré m’a permis de traduire romanesquement ce que j’avais toujours cherché à signifier dans des essais comme Mauvaise langue, Éloge de la transmission ou encore Ma bibliothèque. Or la fiction prend le cœur pour cible et cette fois c’est lui que je visais. Je voulais dire l’essentiel avec les mots 24 de Léo, à savoir qu’il n’y a pas de salut possible en dehors du langage maîtrisé. Acculé par son illettrisme, honteux, mon héros s’enferme dans une thébaïde de solitude, tandis que ceux qui lui ont à un moment concédé un regard, l’abandonnent tour à tour. Léo est le fruit gâté d’une époque qui, en dépit de ses beaux discours et de son humanisme de pacotille, ne prévoit pas grand-chose pour les êtres comme lui. Le réalisme âpre de la fiction, le regard perdu du personnage, entendent montrer cette déréliction que j’ai souvent croisée dans mes classes et eu tant de mal à contrer par un retour heureux au texte. L’illettrisme est un mal invisible mais prégnant dans nos sociétés. Le parcours en pointillés de Léo, sa brève incursion dans l’existence cherchent à dire la tragédie des laissés- pour-compte, parce que pauvres en mots, en amour, en avenir. »

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Le public lors de la rencontre avec Cécile Ladjali

 

Illettré : la presse en parle
« Il est des romans si riches qu’on ne sait par quel bout les aborder. Illettré de Cécile Ladjali est de cette trempe là. (…) Elle signe un grand roman politique dans le sens noble du terme.  » Mohammed Aissaoui, Le Figaro Littéraire

« Faire ressentir aussi profondément la douleur de cette vie hors du signe sans lourdeur ni la sécheresse est un vrai défi, que Cécile Ladjali relève en touchant au mythe.  »
Alain Nicolas, L’Humanité

« Voici une fiction aussi saisissante que tragique et poétique, dont la force est de ne jamais céder au misérabilisme, à la pitié, à la facilité. (…) II faut lire Illettré.  » Hubert Artus, Clés

 Extrait d’Illettré, p.20-21
À la mi-avril, il fait jour tôt à Paris. De l’unique fenêtre, il voit la grande tour – le siège d’une banque – se découper dans l’air déjà tiède. Iggy dort.
Le salon transformé en chambre mesure à peine dix mètres carrés, mais son volume semble varier en fonction des différentes heures du jour. À 6 heures, l’espace s’agrandit. Léo est de bonne humeur. Comme chaque matin, il salue la tour de verre, qui crève les cieux rayés par le passage incessant des avions. Les beaux jours sont là et les gens gagnent le Sud. Il restera au nord cet été. Il n’a jamais pris l’avion, la simple idée d’échapper à l’attraction terrestre le terrifie. Et puis il a besoin d’argent.
À l’usine, on l’apprécie pour son sérieux et son investissement sans faille qui lui confère un petit côté stakhanoviste. Il entra à l’imprimerie à seize ans, parce que l’école il n’aimait pas trop. Ou plutôt, se reprend-il souvent, il ne s’y sentait pas à l’aise. Depuis quatre ans, il est conducteur de machines. Il s’occupe de l’impression des caractères, tâche sensuelle et mystérieuse ayant l’odeur des encres – cyan, magenta, jaune, noire – et le rythme assourdissant des cylindres en métal sous lesquels passent les feuilles blanches. Léo a un secret : il cultive un intérêt particulier pour les lettres grises, les plus grandes, celles qu’on a gravées sur du bois ou du cuivre et qui conservent des vides de manière à n’être pas tout à fait noires. Bancales, incomplètes, elles lui font penser à lui.
Du lit qu’il n’a pas encore quitté, il voit les signes brillants en haut de la tour. Des lettres de néons bleus. Elles vont s’éteindre avec l’arrivée du soleil et ce sera le moment de repousser les draps puis de refermer le clic-clac. – Ça y est, elle me laisse enfin tranquille avec ses grands airs, la tour. Les signes ont renoncé à leur arrogant éclat et se dissolvent dans le ciel laiteux. Quand le jour est franc il ne reste plus rien de leur présomptueux bavardage. Léo pose un pied sur le linoléum, allume la lampe d’Iggy, et marche jusqu’au coin cuisine pour se faire un semblant de café : quelques granules et de l’eau chaude prise au robinet. Il n’a pas le courage de mettre en route la cafetière italienne, celle qui fait un moka épais au goût de caramel. Il revient jusqu’au lit défait, la tasse de café bien serrée dans la main gauche, et se recouche un instant. Il a une sorte d’intuition en ce lundi matin.

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Cécile Ladjali et les enfants de Lagrasse, dans la librairie

 

 

 Samedi 16 AVRIL à 17 h

Rencontre avec JEAN-PAUL GOUX

autour de son dernier roman, L’OMBRE S’ALLONGE (éd. ACTES SUD , AVRIL 2016)

Conversation-lecture-débat avec l’auteur
Entrée libre et gratuite

Né en 1948, Jean-Paul Goux, qui a longtemps enseigné la littérature à l’université de Tours, vit désormais à Besançon.

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Son œuvre romanesque est publiée par Actes Sud depuis 1995. Après la trilogie “Les Champs de fouilles” – Les Jardins de Morgante (Babel n° 390) La Commémoration (1995 ; Babel n° 685), La Maison forte (1999) – Le Séjour à Chenecé (2012) clôt la trilogie “Les Quartiers d’hiver”, qui, entamée avec L’Embardée en 2005, s’est poursuivie avec Les Hautes falaises (2009).

À PROPOS DE L’OMBRE S’ALLONGE :

Résumé
Convoqués auprès du lit d’hôpital où gît un ami très cher qu’un accident cérébral a définitivement éloigné du monde, un couple bouleversé revisite dans la douleur les épisodes  marquants d’une longue histoire commune, à la manière d’une enquête sentimentale d’où  surgit le terrible soupçon que l’absence, désormais irrémédiable, qu’ils ont sous les yeux n’est que la forme ultime du destin auquel son abyssale solitude a condamné de son vivant un homme dont, sous le couvert de l’amitié et de “la vie comme elle va”, chacun s’est toujours employé à ignorer les tourments et à mésinterpréter les choix, les paroles et les gestes.

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Extrait de L’Ombre s’allonge, p. 55 ; 79-80

Les lieux où nous nous sommes trouvés ensemble se présentent à moi sans trop de difficulté, mais comment comprendre, ou comment admettre plutôt, que ce dont nous parlions et la manière dont nous le faisions, dans ce lieu-là, soient devenus inaccessibles, insaisissables, alors que ce qui advenait en passant par nos voix était le corps vivant de notre amitié ? Que l’on ne se rappelle pas le détail de conversations anciennes, j’ai pu l’éprouver cent fois sans trop m’en offusquer lorsque je pensais qu’avec lui mille conversations nouvelles seraient toujours possibles, mais nous ne pourrons plus parler, assis l’un près de l’autre, vivants tous les deux à travers nos voix. C’est un fantôme que je fabrique lorsque je prétends rapporter un souvenir de conversation – encore s’il advenait sensible comme on dit que peut l’être un membre amputé, ou comme l’est à Achille l’âme de Patrocle lorsqu’elle s’adresse à lui.

[…] Nous avons cru qu’il lâchait prise quand il nous offrait pourtant tout ce qu’il nous fallait pour le comprendre. Il était resté quelques jours à Maranche, avant de rentrer à Paris pour préparer son déménagement qui devait se faire quelques semaines plus tard, et à nous deux il avait envoyé la même lettre : La nuit dernière, je ne dormais pas (il y a de l’exaltation après ma décision…), je me suis levé, j’ai jeté un coup d’œil dehors, vu comme le ciel était clair, ce petit morceau de ciel découpé dans la fenêtre de ma chambre (à l’Hôtel de l’Escale, c’est aussi là que vous coucherez quand vous viendrez me voir…), et j’ai eu envie de sortir, d’aller marcher, pas très loin, juste l’envie de me sentir dehors, dans la lumière de la nuit claire. J’ai descendu la rue Sermange jusqu’au pont d’Arsans. J’ai eu l’impression de sortir une seconde fois au débouché de la rue, en arrivant au pont dans l’espace large ouvert entre les quais jusqu’aux pentes boisées de la colline (elle s’appelle Brunemont), au cône régulier comme un terril, que le fleuve contourne sur la gauche. Ce n’était pas encore la nuit et pas encore le jour, mais le fragile entre-deux silencieux de l’aube d’été où le sentiment de l’espace autour de soi peut vous envahir jusqu’à l’euphorie comme d’une certaine façon lorsque les enceintes de la brume qui vous enveloppe s’évaporent d’instant en instant. […]

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Samedi 14 mai à 17 h

Rencontre avec arno bertina

autour de son dernier livre, Des Lions comme des danseuses (Éd. La Contre-Allée, 2015)

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Entrée libre et gratuite

Arno Bertina né en 1975 est écrivain. Il est l’auteur de plusieurs romans, récits, essais, extrêmement inventifs par leur forme (de la phrase à la structure d’ensemble du livre), ou récits et personnages sont portés, levés, par un souci de vitesse et de libération – libération de la langue, des sens, du sens ; libération identitaire. Il collabore régulièrement à différentes revues, notamment Inculte, collectif d’auteurs dont il est membre. Il a consacré plusieurs études à des écrivains contemporains et écrit de nombreuses fictions radiophoniques.

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Arno Bertina @ Patrick Gherdoussi

 

Bibliographie
Le Dehors ou la migration des truites, Actes Sud, 2001, roman.
Appoggio, Actes Sud, 2003, roman.
La Déconfite gigantale du sérieux, Lignes/Leo Scheer, 2004 (sous le pseudonyme de Pietro di Vaglio), essai/fiction.
Anima motrix, Verticales, 2006, roman.
Anastylose, Fage, 2006, farce archéologique (en collaboration avec B. Gallet, Y. De Roeck et L. Michaux).
J’ai appris à ne pas rire du démon, Naïve, 2006, fiction biographique.
Une année en France, Gallimard, 2007 (en collaboration avec F.Bégaudeau et O.Rohe), essai.
Ma solitude s’appelle Brando, Verticales, 2008, récit.
La borne SOS 77, Le bec en l’air, 2009, fiction (en collaboration avec L. Michaux).
Énorme, éditions Thierry-Magnier, 2009, photoroman pour ados (avec le collectif Tendance Floue).
Dompter la baleine, éditions Thierry-Magnier, 2012.
Je suis une aventure, Verticales, 2011
J’ai appris à ne pas rire du démon, Actes Sud, 2015
Des lions comme des danseuses, La Contre allée, 2015

À PROPOS DE DES LIONS COMME DES DANSEUSES, le point de vue des éditeurs :

On avait beau jeu d’a­ffirmer qu’ lles avaient été achetées, car certains explorateurs ou certains représentants de l’ État français (…) avaient sans doute troqué ces œuvres contre peu d’ argent, ou des babioles, ou des menaces. Aucune transaction inattaquable, certainement. Certes il était possible d’ a­ffirmer qu’en les volant on les avait sauvées mais c’était tout de même tordu.
La spoliation des biens culturels africains pratiqués par les pays fondateurs de l’Union européenne, comme la France et Italie, durant les années de colonisation.
En trouvant l’audace d’intenter une procédure contre le Musée du quai Branly, à Paris, le roi de Bangoulap – un village du pays bamiléké, dans l’Est du Cameroun –, ne pouvait pas deviner que c’était en fait l’Europe libérale et carnassière qu’il allait complètement déshabiller.
Arno Bertina inverse la vapeur avec un plaisir communicatif
Les pays africains réclament la gratuité du musée pour leurs ressortissants arguant que les œuvres exposées leur appartiennent. Sans réponse, ils interpellent l’Union européenne qui finit par admettre la propriété africaine de ces œuvres à la surprise générale, bien qu’elles participent de l’identité européenne.
Cette première demande accordée fait effet tache d’huile car les Africains décident de ne pas s’arrêter là.
De la ­ fiction à la science-­ fiction
On assiste au désenchantement de l’Union européenne se voyant obligée de céder à toutes les requêtes successives, qui aboutissent à la libre-circulation des ressortissants africains avec l’ouverture des frontières, où la notion de gratuité prime.

LA PRESSE EN PARLE :

Des lions comme des danseuses, fable dense et enlevée, est une des nombreuses facettes du travail d’un auteur, qui peut donner des ouvrages brefs et tranchants mais aussi d’amples romans comme Anima Motrix ou Je suis une aventure, en passant par tous les genres, comme ce roman biographique consacré à Johnny Cash, qui agrippe le lecteur comme le plus efficace des romans américains. Si vous connaissez Arno Bertina, vous savez ce qui vous attend. Si vous ne l’avez pas encore découvert, une nouvelle page de votre vie de lecteur va se tourner. Alain Nicolas, L’Humanité, 2015

 

Samedi 11 juin à 17 h

Rencontre avec valentine goby

autour de son roman kinderzimmer (Actes sud / Babel, 2015)

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Valentine Goby est une écrivaine française née à Grasse en 1974. Après des études à Sciences Po, elle a vécu trois ans en Asie, à Hanoï et à Manille, où elle a travaillé pour des associations humanitaires auprès d’enfants des rues. Elle n’a jamais cessé d’écrire, et publie son premier roman en 2002 chez Gallimard : La Note sensible. Elle devient enseignante en lettres et en théâtre, métier qu’elle exerce en collège durant huit années avant de se consacrer entièrement à l’écriture, et à de multiples projets autour des livres : ateliers, rencontres, conférences, résidences d’écritures en milieu scolaire, en médiathèque, à l’université. Elle est actuellement maître de conférences à Sciences Po en littérature et ateliers d’écriture, et administratrice de la Charte des auteurs et illustrateurs pour la Jeunesse et présidente du Conseil permanent des écrivains. Outre ses 11 publications en littérature générale, elle écrit une œuvre importante pour la jeunesse.

Elle a reçu de multiples récompenses pour chacun de ses romans, en littérature générale et en littérature jeunesse.

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QUELQUES-UNS DE SES ROMANS

L’Échappée, Gallimard, 2007 ; Folio, 2008
Qui touche à mon corps je le tue, Gallimard, 2008 ; Folio, 2010
Des corps en silence, Gallimard, 2010 ; Folio, 2011
Banquises, Albin Michel, 2011, Le Livre de poche, 2013
Kinderzimmer, Actes Sud, 2013, Babel Poche, 2013 – Prix des libraires 2014 et autres nombreux prix
La Fille surexposée, Alma Editeur (coll. Pabloïd), 2014
Baumes, Actes Sud Essences, 2014 (coll. Essences)

À PROPOS DE KINDERZIMMER

Le point de vue des éditeurs
“Je vais te faire embaucher au Betrieb. La couture, c’est mieux pour toi. Le rythme est soutenu mais tu es assise. D’accord ?
– Je ne sais pas.
– Si tu dis oui c’est notre enfant. Le tien et le mien. Et je te laisserai pas.
Mila se retourne :
– Pourquoi tu fais ça ? Qu’est-ce que tu veux ?
– La même chose que toi. Une raison de vivre.”

En 1944, le camp de concentration de Ravensbrück compte plus de quarante mille femmes. Sur ce lieu de destruction se trouve comme une anomalie, une impossibilité : la Kinderzimmer, une pièce dévolue aux nourrissons, un point de lumière dans les ténèbres. Dans cet effroyable présent une jeune femme survit, elle donne la vie, la perpétue malgré tout.
Un roman virtuose écrit dans un présent permanent, quand l’Histoire n’a pas encore eu lieu, et qui rend compte du poids de l’ignorance dans nos trajectoires individuelles.

Le point de vue de Valentine Goby
« D’abord, il y eut cette rencontre, un jour de mars 2010 : un homme de soixante-cinq ans se tient là, devant moi, et se présente comme déporté politique à Ravensbrück. Outre que c’est un homme, et à l’époque j’ignorais l’existence d’un tout petit camp d’hommes non loin du Lager des femmes, il n’a surtout pas l’âge d’un déporté. La réponse est évidente : il y est né. La chambre des enfants, la Kinderzimmer, semble une anomalie spectaculaire dans le camp de femmes de Ravensbrück, qui fut un lieu de destruction, d’avilissement, de mort. Des bébés sont donc nés à Ravensbrück, et quoique leur existence y ait été éphémère, ils y ont, à leur échelle, grandi. J’en ai rencontré deux qui sont sortis vivants de Ravensbrück, ils sont si peu nombreux, et puis une mère, aussi. Et la puéricultrice, une Française, qui avait dix-sept ans alors. C’était un point de lumière dans les ténèbres, où la vie s’épuisait à son tour, le plus souvent, mais résistait un temps à sa façon, et se perpétuait : on y croyait, on croyait que c’était possible. Cette pouponnière affirmait radicalement que survivre, ce serait abolir la frontière entre le dedans et le dehors du camp. Envisager le camp comme un lieu de la vie ordinaire, être aveugle aux barbelés. Et donc, se laver, se coiffer, continuer à apprendre, à rire, à chanter, à se nourrir et même, à mettre au monde, à élever des enfants ; à faire comme si. J’ai écrit ce roman pour cela, dire ce courage fou à regarder le camp non comme un territoire hors du monde, mais comme une partie de lui. Ces femmes n’étaient pas toutes des héroïnes, des militantes chevronnées, aguerries par la politique et la Résistance. Leur héroïsme, je le vois dans l’accomplissement des gestes minuscules du quotidien dans le camp, et dans ce soin donné aux plus fragiles, les nourrissons, pour qu’ils fassent eux aussi leur travail d’humain, qui est de ne pas mourir avant la mort. Mila, mon personnage fictif, est l’une de ces femmes. Kinderzimmer est un roman grave, mais un roman de la lumière.»

KINDERZIMMER, LA PRESSE EN PARLE

Clémentine Baron, Le Magazine littéraire
Vivre au présent, car l’avenir est inenvisageable, mais vivre quand même, minute après minute, tenues par l’espoir.
Pierre Vavasseur, Le Parisien
Voici dix ouvrages dans lesquels nous nous sommes plongés et qui nous ont fait basculer. On aime, parce qu’il fallait oser s’engager dans cet univers insoutenable nourri d’excréments, de supplices, de corps emboîtés, cognés, heurtés, enjambés, dans la même masse mouvante. Valentine Goby relève ce défi.
Marine Landrot, Télérama
Valentine Goby a écrit un grand roman sur l’innocence, une magistrale histoire d’éveil (…). La langue de Valentine Goby [est] chaotique, organique, pleine d’effroi et d’espoir, atrocement belle.
Sandrine Maliver-Perrin, Page des libraires
Une écriture sans concessions, tout à tout dépouillée et glaciale — à l’image du camp — puis poétique et bouleversante, sert ce texte virtuose qui place l’auteure parmi les grands de la littérature française. (…) Un pur chef d’œuvre.
Xavier Houssin, Le Monde
Un texte d’un grand courage et d’une parfaite vérité.

EXTRAIT DE KINDERZIMMER (Folio), p. 20-21

On les compte en rang comme à Romainville. Il manque des femmes. Les vivantes se mettent en marche. Quelqu’un tombe. Un fouet claque. Alors les hurlements, les martèlements de souliers, les aboiements se fondent en son homogène, qu’il faut tenir à distance pour mettre un pied devant l’autre, ne pas se laisser atteindre, traverser, épuiser par le bruit, la fatigue est telle. Marcher c’est tout, marcher, garder le cap. La nuit dense caviarde le paysage déjà flouté par le sommeil, la faim, la soif. Par endroits le ciel violet sculpte la masse noire, détoure des branches, des feuilles, ce sont des sapins, des pins, sûrement des aulnes. Parce que son père est menuisier Mila connaît les arbres, les formes des branches, des feuilles, l’odeur des arbres, des résines, de l’écorce grattée. L’odeur enserre la peau, ample comme une forêt. Ne pas se laisser emporter par l’odeur des arbres, l’image de l’atelier du père, du bois coupé, de Paris. Ne pas trébucher, suivre le pas des quatre cents femmes, devant, derrière. Entre les arbres, des maisons à étage toutes éteintes. Puis une trouée vaste, un lac lisse, vernissé sous la lune, luisant du même éclat blanc que les mitraillettes. L’estomac brûle sous la bile pure, Mila inspire, expire, inspire encore, mais la violence des spasmes brise toute volonté: elle s’écarte et vomit sur le sable une flaque transparente, elle marche en vomissant, les chiens dans les mollets, la main de Lisette étoilée entre les omoplates. Par les tuyaux de la prison, à Fresnes, Brigitte a dit tu n’as pas de veine avec ces nausées. Dans les tuyaux d’autres voix conversaient d’une cellule à l’autre, un poème, des nouvelles du front russe, des mots d’amour glissés bas – vraiment, des mots d’amour entre un homme et une femme, qu’elles laissaient passer en faisant silence, pour leur donner une chance. Mila n’a jamais vu Brigitte, toutes les deux sont au secret. Brigitte n’a été qu’un son pendant des semaines, mais tendre, fidèle, un rendez-vous du soir, un jour elle a fait passer laine et petites aiguilles à Mila dans un mouchoir noué, au bout d’un fil pendu par la fenêtre. D’où venaient les aiguilles et la laine, Mila ne l’a pas su. Pour compenser le pas de veine des nausées, Brigitte jure ton enfant te protège, je suis sûre, et elle chante une berceuse dans le boyau de plomb, une berceuse espagnole pour l’enfant de Mila, las hojitas de los árboles se caen, viene el viento y las levanta y se ponen a baila, pour l’enfant et pour Mila, qui est comme son enfant, dit-elle. L’ignorance de Mila est sans limites, en elle la grossesse, au-devant l’Allemagne, il faut bien croire quelqu’un ou quelque chose. Mila croit Brigitte, elle n’a pas d’autre idée. Elle est protégée, l’enfant est une chance. Comme dans la chanson, les feuilles soulevées par le vent vont se mettre à danser. Voilà ce qu’elle se dit.

 

 Samedi 9 juillet à 17 h

Rencontre avec GWENAËLLE AUBRY

autour de son roman PERSÉPHONE 2014 (MErcure de france, 2016)

 Conversation-lecture-débat

 Entrée libre et gratuite

Gwenaëlle Aubry est née en 1971. Philosophe et romancière, elle est l’auteur, entre autres, de Le diable détacheur (Actes Sud, 1999), L’isolée (Stock, 2002), L’isolement (Stock, 2003), Notre vie s’use en transfigurations (Actes Sud, 2007), Personne (prix Femina 2009) et Partages (2012).
En 2016, elle publie Perséphone 2014, au Mercure de France et Lazare mon amour (Sylvia Plath) (L’Iconoclaste, 2016).
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PERSÉPHONE 2014 : PRÉSENTATION DE L’ÉDITEUR
À PROPOS DE PERSÉPHONE 2014 : LA PRESSE EN PARLE :

Perséphone 2014 : « Dis-moi quel est ton mythe, je te dirai qui tu es », par Anne Brigaudeau (FranceTVInfo, 18 janvier 2016). Critique et entretien avec G. Aubry.

Sous le signe de l’intensité. La romancière Gwenaëlle Aubry publie en ce mois de janvier 2016 deux textes saisissants. Le premier est consacré à la poétesse américaine Sylvia Plath (1932-1963), qui s’est suicidée à trente ans. Le second, Perséphone 2014, revisite, dans une écriture en tension, le mythe de la jeune fille enlevée par le dieu des enfers.

Audacieux pari. Gwenaëlle Aubry galvanise le mythe de Perséphone, la jeune fille enlevée à sa mère Déméter (la déesse de la terre) par Hadès, le dieu des enfers. Elle insuffle vie à cette jeune fille de dix-huit ans d’aujourd’hui et de toujours qui va « vite et droit, jambes nues, cheveux au vent salubre », dans un monde « pas encore terni, pas encore émoussé ».Perséphone 2014, donc, conte les métamorphoses de cette jeune fille – la narratrice, la romancière ?- qui s’élance et secoue ses chaînes. Un roman ardent qui tient du récit, de l’autobiographie et de la poésie. Cent pages tendues et parfois hallucinées où sont tour à tour convoqués Artaud et Bowie, Héraclite et Lou Reed, Michaux et Radiohead. Pour mieux connaître la genèse de ce texte lyrique, nous avons interrogé l’auteure, Gwenaëlle Aubry.
– Pourquoi vouloir réécrire au XXIe siècle le vieux mythe grec de Perséphone, cette jeune fille enlevée par Hadès et qui va se partager entre sa mère Déméter(printemps et été) et le souverain des enfers (automne et hiver) ?J’ai compris qu’il fallait écrire le texte à partir de ce point de vertige, la phrase de Yeats que je place en épigraphe de « Perséphone 2014 »: « J’ai souvent eu l’idée qu’il existe pour chaque homme un mythe qui, si nous le connaissions, nous permettrait de comprendre tout ce qu’il a fait et pensé ». Il faut prendre au sérieux ce jeu : dis-moi quel est ton mythe, je te dirai qui tu es. Je crois que nous sommes tous structurés par un mythe qui nous définit. Qu’est ce qui se passe quand un mythe s’empare d’une vie, d’un corps ?– La voix de Perséphone parle de la circulation entre le monde diurne, celui de Déméter, de la surface, des rites institués, de l’ordre, et le monde nocturne, celui de la jouissance. Comment passer de l’un à l’autre ? Comment articuler des instants d’intensité extrême à la vie ordinaire ? J’ai commencé à écrire ce texte à 18 ans (au début des années 90), à un moment de grande intensité amoureuse, de basculements vitaux. Et j’y suis revenue sans cesse.
– Votre livre est un roman, mais d’une forme hybride, entrecoupé de poésies. A quoi cela répond-il ?
– J’ai tendance à déplacer de plus en plus la forme du roman vers la poésie. En tout cas, à y introduire des blancs, des coupes. La poésie dit les moments d’intensité. Le retour à la prose, c’est le moyen de sortir de l’intensité sidérante de ces moments-là. La poétesse Sylvia Plath, à laquelle je consacre un livre par ailleurs (« Lazare mon amour »), disait que le roman peut tout accueillir, les moments d’incandescence comme « les royaumes de chaises et de choux », la vie quotidienne.
Le mythe amène aussi un caractère hybride, ludique. Il autorise ce bricolage enfantin, « super-louche » comme dit le sculpteur Tinguely, qui permet d’accoler de l’archaïque et de l’hyper-contemporain. C’est très naturellement que le rock, le cinéma, la crise grecque ou le mouvement des sans-papiers se sont intégrés à ce livre parce que le mythe est extrêmement plastique.

– Constellé de souvenirs, émaillé de références musicales, littéraires, cinématographiques, ce roman tient-il de l’autobiographie ?

– Oui. D’une certaine façon, Perséphone 2014 est une mythobiographie, c’est à dire le contraire de l’autofiction telle qu’elle est parfois pratiquée. Le mythe fait exploser la biographie. Il capture la vie et supprime les anecdotes : il n’y a plus que des événements. Il supprime la psychologie : il ne reste que des passions chimiquement pures, le plaisir, la colère. Il donne un effet d’intensification, et d’explosion du moi.

 

EXTRAIT DE PERSÉPHONE 2014 (1re pages du livre)

« PERSÉPHONE (Περσεφόνη). Perséphone est la déesse des Enfers, et la compagne d’Hadès. On la connaît aussi sous le simple nom de Korè (Κόρη) “la jeune fille”. Elle est née de l’union de Zeus et de Déméter (tab. 37, p. 416).
L’histoire raconte qu’un jour où elle jouait dans une prairie, en Sicile, avec les Océanides, Korè s’éloigna pour cueillir un narcisse. La terre se fendit sous ses pieds, et Hadès en surgit pour l’enlever. Personne, sauf Hécate, ne l’entendit crier.
Déméter endeuillée parcourt le monde à la recherche de sa fille. Elle médite l’acte grave d’anéantir la race débile des hommes en dérobant le grain dans le sol (v. Hymne homérique à Déméter). Elle se révolte contre les dieux complices de l’enlèvement. Seule Baubô (v. Iambé) parvient, en exhibant son sexe maquillé en visage, à adoucir sa colère.
Zeus dema nde à Hadès de rendre Perséphone à sa mère. Mais l’époux infernal lui a donné un aliment doux et sucré, un pépin de grenade qui la lie à lui à jamais (v. Ascalaphos). Zeus décide alors que Perséphone se partagera entre les Enfers et la terre.
Korè-Perséphone figure, associée à Déméter, dans les mystères d’Éleusis, qui furent célébrés pendant mille deux cents ans et dont le secret n’a jamais été révélé. »

ça n’a rien à voir avec vous, ça parle une langue où manquent les lettres pour vous épeler
ça ne vous appartient pas, c’est une histoire que tout le monde connaît
c’est pire que mort, c’est embaumé, cœur et viscères depuis longtemps jetés à des fantômes de chiens, orifices suturés, bouche nez anus hermétiquement cousus, un corps creux et clos emmailloté de papier, des tonnes et des tonnes de papier sur ce corps desséché et là-dessous plus de chair de souffle ni de parfum, plus d’ambre ni de musc de benjoin ni d’encens
c’est tellement plus grand que vous, ça vous déborde, ça vous dépasse, même avec des échelles, des échasses et des tours de Babel vous n’y arriverez pas,
car vous aurez beau faire, ça ne dit pas je, ça ne dit pas moi
ça n’a rien à voir avec vous, ça ne vous regarde pas, et pourtant un jour
ça vous a vue
ça vous a saisie, ça vous a étreinte, ça vous a raptée
attrapée par les cheveux, retourné le visage
par en dedans
(quand ? Vous pourriez le dire, puisque vous n’êtes pas sortie de cet instant, puisque, pour être tout à fait exacte, vous n’en revenez pas)
ça vous a fabriqué un grand lointain
découpé un visage de falaise, un sourire de lave
écartelé un corps sans contours, très étendu et très ouvert, où loger tous les autres,
ombreux, innombrables, innommés
c’est venu nommer votre désir d’être matière
votre jouissance, votre colère
la langue sans forme qu’ânonnent les rêves
et le principe d’une beauté violente
bien sûr vous avez cherché la sortie »

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Samedi 15 octobre 2016, à 17 h

Rencontre avec l’écrivain Jean-Jacques Salgon

à propos de son récit
Parade sauvage
(Verdier, 2016)
Inspiré par la grotte Chauvet

Conversation-lecture-débat
Entrée libre et gratuite

 

Jean-Jacques Salgon, est né en 1948 en Ardèche dans une famille dont les origines vivaraises remontent au XVe siècle. Fils et petit-fils d’instituteurs, il passe son enfance et son adolescence à Pont d’Ucel puis à Aubenas.
Scientifique de formation, il effectue les classes préparatoires à Lyon où il se trouve lors des événements de Mai 68. Puis il poursuit ses études supérieures à l’École normale supérieure de Cachan et à l’université Pierre-et-Marie-Curie.
Il effectue aussi de nombreux voyages et séjours à l’étranger (Turquie, Amérique du Sud, Afrique).
Il a exercé l’essentiel de sa carrière d’enseignant en tant que maître de conférences en physique au département de génie civil de l’IUT de La Rochelle de 1982 à 2008.
Il se consacre à l’écriture depuis de nombreuses années et a publié une dizaine d’ouvrages – récits, chroniques, etc.

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QUELQUES-UNS DE SES LIVRES

Parade sauvage, Verdier, 2016
Sept chemins en Ardèche, avec Grégoire Édouard, Septéditions, 2015
Place de l’Oie, Verdier, 2014
Fernand, L’Escampette, 2013
Ma vie à Saint-Domingue, Verdier, 2011
Papa fume la pipe, L’Escampette, 2008, Prix Tortoni 2008
Le Roi des Zoulous, Verdier, 2008
Les Sources du Nil, Chroniques rochelaises, L’Escampette, 2005
Prix de l’Office Poitou-Charente du livre en 2005
Tu ne connaîtras jamais les Mayas, L’Escampette, 2000 (réédition prévue en 2014)
07 et autres récits, Verdier, 1993. Prix de la Nouvelle de la Société des gens de lettres, Prix de l’Office Rhône-Alpes du livre, Prix Eugène Villard du Conseil général de l’Ardèche

À PROPOS DE PARADE SAUVAGE

 Présentation des éditeurs
« Comme des astres lointains depuis longtemps disparus mais dont on continue de capter l’éclat dans l’œil des télescopes, les bêtes de Chauvet continuent de courir et de se bousculer sur les parois de la grotte, à la poursuite d’un monde perdu.
Lions des cavernes, rhinocéros laineux, mammouths au long pelage, ours des cavernes, mégacéros, aucun de ces sublimes animaux n’a survécu à la fin de la dernière glaciation. Équipés pour le froid, ces princes des steppes et des savanes, ces souverains emmitouflés dans leurs fourrures, s’en furent il y a 10 000 ans finir leur vie vers les plaines glacées de la Sibérie.
À Chauvet, ils nous adressent une dernière révérence sous les regards éblouis de ceux qui furent leurs sujets, mais qui, par un de ces desseins secrets de la nature, étaient déjà destinés à leur survivre. »

PARADE SAUVAGE, LA PRESSE EN PARLE

Archeologia, juillet-août 2016, par Jean-François Perret
Le bestiaire de la grotte Chauvet.
Plus d’une décennie après sa visite de la grotte Chauvet, l’Ardéchois Jean-Jacques Salgon a encore, dans ses mots, l’émotion pure de l’homme du XXIe siècle face à l’art des origines, à l’origine de l’art.

Le Canard enchaîné, 16 mars 2016, par Frédéric Pagès
Découverts en décembre 1994 par trois spéléologues ardéchois, les mammouths, les lions, les rhinocéros, les bisons et les aurochs de la grotte Chauvet recèlent « une beauté qui transcende l’ordre du temps et de l’Histoire ». Il y a trente mille ans, des humains se sentaient les égaux « d’une hyène ou d’un lion »…

L’Épervier incassable, lundi 22 février, par Serge Bonnery
Ne vaut-il pas mieux pouvoir encore nous confronter rituellement à une certaine sauvagerie animale plutôt qu’à celle, humaine et beaucoup plus barbare, que nous ne cessons d’inventer ?

EXTRAITS DE PARADE SAUVAGE, p. 25 – 26 – 27

Ainsi les hommes qui peignirent ce merveilleux bestiaire étaient des chasseurs, c’est-à-dire des tueurs d’animaux, et ils mangeaient la chair des bisons ou des cerfs dont ils avaient pourtant fait de si éblouissants portraits.
Le ciel étoilé, qui fut longtemps le berceau de notre âme, l’aiguillon de notre esprit, se dérobe et disparaît sous les lumières de la ville. On regarde aujourd’hui les images célestes sur l’écran d’un ordinateur.
J’éprouve parfois comme une forme d’exil forcé, d’enfermement, en voyant les peintures de la grotte Chauvet (exilé et enfermé dans le Temps). Elles me font songer à ces graffitis de vaisseaux dont les prisonniers anglais couvrirent jadis les murs de la tour de la Lanterne, à La Rochelle. Parmi bricks et goélettes il y a même un petit cheval gravé, lointain descendant de celui de Chauvet. Un appel à la liberté, à s’échapper de sa prison, à rejoindre le monde, tout cela je le ressens devant les œuvres peintes de l’obscurité de la caverne. La paroi est l’écran où projeter son cinéma mental. Le bestiaire de Chauvet représente ce « désir demeuré désir » dont parle Char. Désir de proie peuplant les rêves du chasseur, désir de participer à nouveau à la grande saga de la vie sauvage, de se rapprocher de l’Origine, désir de s’arracher à la nuit, de se fondre à nouveau dans le monde. C ‘est un cri surgi dans l’obscurité où l’ont plongé ces longs siècles d’oubli et de claustration.
Descendre dans la grotte Chauvet, jusqu’à la salle des lions qui est en contrebas, c’est le mouvement inverse à celui du captif libéré de ses chaînes dans la caverne de Platon. Les hommes qui sont entrés dans la grotte venaient de la lumière, du grand jour, de la vie réelle. Avec eux et sans doute malgré eux, ils ont tout charrié dans cette nuit humide et noire : leurs visions solaires, les troupeaux d’animaux qu’ils chassaient, la splendeur animale des bêtes féroces, le feu qu’ils transportaient, et qui sait, une certaine idée du Bien et du Mal. Et c’est pourquoi les ombres projetées sous leurs mains artistes, cessent d’être des ombres ou des fantômes et prennent, plutôt que la forme illusoire de celles de la caverne de Platon, celle d’une révélation.

 

Samedi 17 DÉCEMBRE 2016, à 16 h

Rencontre avec L’AUTEUR DE BD, JEAN-LOUIS TRIPP

autour de son œuvre dessinée

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Jean-Louis Tripp, né en 1958 à Montauban, est dessinateur et scénariste de bande dessinée, sculpteur et peintre. Il publie ses premières planches dans Métal Hurlant en 1977 et son premier album, Le Bœuf n’était pas mode, en 1978. Paraissent, chez Milan la série Jacques Gallard, dont le second tome obtient le Prix Bloody Mary en 1987, puis d’autres albums chez Futuropolis, Milan et Glénat dont Soviet Zig-Zag, Afrikaans Bazaart et Zoulou Blues. En 1989, il interrompt sa production de bandes dessinées et se livre à la peinture, à la sculpture et à des activités artistiques les plus diverses : pièces uniques de mobilier, fresques en mosaïques… Il revient ensuite au dessin par le biais des livres pour enfants, de l’illustration et de story-boards. En 2002, il publie avec Tronchet, chez Albin Michel, Le Nouveau Jean-Claude, une BD adaptée du film éponyme de Tronchet. Sa carrière prend un nouvel essor lorsqu’il enseigne son art à l’université de Montréal, tout en travaillant sur l’album Paroles d’anges. Entre 2006 et 2014, il cosigne avec Régis Loisel la série Magasin général (9 volumes) aux Éd. Casterman, mettant dans ses illustrations toute la force poétique de son coup de crayon.

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Quelques-uns de ses ouvrages :

. Paroles d’anges, Glénat, coll. La Loge noire, 2005
. Le Nouveau Jean-Claude, scénario et dessins de Tronchet et Jean-Louis Tripp, Albin Michel, 2002
. Magasin général, scénarios et dessins de Régis Loisel et Jean-Louis Tripp, Casterman. Série regroupant 9 volumes de 2006 à 2015, dont : Charleston, 2011 ; Les Femmes, 2012 ; Notre-Dame-des-lacs, 2014 – Sélection officielle du Festival d’Angoulême 2015.

 À propos de l’œuvre de Jean-Louis Tripp : La presse en parle : 

La bédéthèque idéale : Régis Loisel et Jean-Louis Tripp ferment leur “Magasin général”, avec tendresse, Télérama, Laurence Le Saux, février 2015.

Notre Dame des Lacs est le tout dernier tome de la saga à succès Magasin général. L’occasion de célébrer les personnages qui ont peuplé, durant neuf ans, ce petit village imaginaire du Québec des années 20. Un final tout en émotion.
Magasin général devait les occuper deux ans, et fournir la matière de trois albums. C’est finalement neuf ans, et autant d’épisodes, que Jean-Louis Tripp et Régis Loisel ont consacré à leur série. Avec finesse, humour et tendresse, ils racontent l’histoire d’un village québécois dans l’entre-deux-guerres. Et plus particulièrement l’émancipation de Marie, jeune veuve qui tient l’unique boutique locale. Son quotidien – et celui de tous les habitants – est chamboulé par l’arrivée accidentelle de Serge, venu de Montréal, qui a fait la guerre en Europe, et ouvre à Notre-Dame-des-Lacs… un restaurant.
À petites touches, les auteurs dépeignent des personnages étonnants, attachants (un curé qui va envoyer balader la messe, un vieux briscard amoureux des bateaux…) qui, selon leurs mots, leur ont « échappé ». Formidable, simple, émouvante, leur saga a été dessinée à quatre mains, ses dialogues validés par un auteur québécois, Jimmy Beaulieu, et les couleurs choisies par un quatrième artiste, François Lapierre – Tripp et Loisel racontent fort bien leur cheminement artistique dans le documentaire de Nicolas Albert, Magasin général, derniers traits.

Extraits de Magasin général, derniers traits :
À propos du Bébé…

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Jean-Louis Tripp : « Marie et Serge – qui préfère les hommes et a adopté un jeune orphelin, Gaëtan – forment une famille recomposée, à une époque où l’on ignorait ce que c’était. Serge est un “survenant”, arrivé par hasard au village, et qui a révolutionné les choses. C’est un vétérinaire montréalais qui a fait la guerre, vécu en Europe. Un extraterrestre pour les habitants de Notre-Dame-des-Lacs ! Il apporte une étincelle dans ce lieu simple, se transforme en grain de sable positif, qui amène une liberté de pensée, et pousse à ne pas se conformer aux diktats religieux, politiques et sociaux. Il commence par influencer Marie, puis le reste des habitants – car ils sont “tricotés serrés”, dans ce village, et le changement de l’un rejaillit sur l’autre ! »

Régis Loisel : « Au départ, Serge devait être français. Jean-Louis et moi, qui vivons à Montréal depuis plusieurs années, avons expliqué notre projet à l’auteur québécois Jimmy Beaulieu, qui s’est ému de notre idée… Il craignait que notre héros soit un Français chic qui apporte l’art de vivre aux bouseux ! Alors nous avons modifié Serge. Il suffisait qu’il incarne une culture différente : en faire un citadin permettait de creuser un fossé avec les villageois. Marie, elle, est une presque quadragénaire sans enfant, venue à Notre-Dame-des-Lacs pour y vivre avec son mari, enterré au début de la série. Même s’il n’est pas attiré par les femmes, Serge la fait rêver, lui dit qu’elle est belle, lui révèle sa sensualité – qu’il amène notamment par la nourriture, en ouvrant un restaurant. Quand elle tombe enceinte, sans savoir de qui, il propose de devenir le père de l’enfant. »

Jean-Louis Tripp : « Le personnage de Marie a été plus facile à trouver, graphiquement, que celui de Serge. Ses cheveux la caractérisent beaucoup : elle porte des cheveux longs et un chignon, au début, pour pointer sa douceur. Ensuite, lorsqu’elle va à Montréal, elle adopte une coupe à la garçonne qui durcit son visage, mais le rend plus intéressant, affirmé. Serge, lui, nous a été inspiré par Cary Grant, James Stewart et Hugh Grant mêlés. C’est un homme grand, dégingandé et charmant, qui porte l’inévitable moustache de l’époque et des lunettes, pour le côté intello. Les croquis que nous avons fait de lui ont changé vingt-cinq fois… »

À propos de La vie d’un village :

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Jean-Louis Tripp : « Ce “gaufrier” est silencieux, ou presque, pour exprimer le temps qui passe, et montrer des situations parallèles. Ce genre de construction revient régulièrement dans la série. Ici, on note des avancées dans la vie locale : un magasin de chaussures a été inauguré ; le curé lit un roman important pour son ami Noël, avec lequel il construit un bateau ; les vieilles folles du coin plantent des clous ; Serge a rouvert le restaurant ; les animaux s’amusent ; la messe devient mensuelle…
Beaucoup d’ellipses sont nécessaire pour raconter le quotidien sur plusieurs années de quatre-vingts habitants, dont une quarantaine sont devenus les personnages principaux de Magasin général. Quand, avec Régis, nous nous sommes lancés dans la réalisation du premier tome, nous avons fait un blocage après le début – l’enterrement de Félix, le mari de Marie. Nous avions les personnages, la trame de l’histoire, mais pas moyen d’avancer. Alors, pour nous en sortir, nous avons tracé le plan du village, installé les différentes familles dans des maisons, pour mieux nous repérer. Ça a rendu les choses plus concrètes, crédibles. Et ensuite, nous étions lancés ! »

À propos du Bateau :

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Régis Loisel : « On arrive à l’inauguration du bateau de Noël, qui va finir par prendre feu. Mais comment arriver à ce rebondissement ? Nous sommes partis des animaux qu’on voit régulièrement : le chat, le chien, le canard… Chacun d’eux est arrivé par hasard dans le récit. Nous les avons exploités car ils permettent de créer des respirations. Ils illustrent aussi le temps qui passe. Ici, le perroquet – qui vient d’être offert à Noël – est repéré par le chat, qui va l’attaquer… Un hommage inconscient à une scène de Tintin !
Jean-Louis et moi écrivons le scénario et découpons les dialogues ensemble, côte à côte, face à l’ordinateur. C’est, pour moi, la partie la plus jouissive du travail ! Ensuite, je mets l’histoire en scène, je positionne les bulles en calibrant les textes. Et je lui donne le tout. »

Jean-Louis Tripp : « Je procède ensuite à une substitution de codes graphiques : je décalque et transpose le trait anguleux de Régis, qui devient plus rond. La mise en scène vient de lui, la lumière de moi ; le reste est mêlé de façon indéfinissable, comme si un troisième dessinateur était intervenu. Ensuite, Régis contrôle les couleurs, que fait François Lapierre, tandis que je m’occupe des dialogues, révisés par Jimmy Beaulieu –afin que le parler de nos personnages paraisse indiscutable aux Québécois de souche ! J’ai toutefois nettement progressé dans ce domaine, car ma blonde est québécoise. »

 

 

Autres événements 2016

Les prochains événements réalisés en 2016 seront archivés ici, au fur et à mesure.

Vendredi 18 mars (soir) et samedi 19 mars (de 11 h à la nuit)

La Maison du Banquet extra muros avec le « Printemps des poètes » dans les Corbières avec Christophe Manon, autour de son livre Extrêmes et lumineux (Verdier, 2015)

Vendredi 18 mars, à partir de 19 h 30 :
Soirée au gîte de la Gauna (entre Quintillan et Palairac).
Présentation de l’auteur et de son livre, du scénario et des décors, premières lectures à voix haute, installations audiovisuelles de F&F, Tablée gastronomique et poétique.

Samedi 19 mars (toute la journée) :
Grand parcours reliant toutes les communes (Albas, Quintillan, Palairac) sur les sites extérieurs et intérieurs du « tournage » (découverte de décors aménagés et/ou naturels liés aux textes choisis). Lectures par Christophe Manon, intervention du groupe vocal Quintillac, propositions de la compagnie Conduite Intérieure, ambiances sonores & vidéo par la compagnie F&F.
– 1er Rendez-vous : de 11h à 15h à ALBAS : visite de 2 décors avec lectures et interventions surprises. Casse-croûte paysan à 13 h. Promenade digestive.
– 2ème Rendez-vous : de 16h à 17h30 à QUINTLLAN : tournage de la scène du Parking et visite d’un décor. Lectures, musiques, ambiances sonores. Café, thé et délicatesses.
– 3ème Rendez-vous : de 18h à 00h et plus si affinité à PALAIRAC : On finit avec quelques lectures dans des décors mystérieux, un peu de musique et une belle table campagnarde pour le dîner.

 

« DE L’ART ET DES MOTS AU BORD DE L’EAU », LES SAMEDI 26 MARS, DIMANCHE 27 MARS ET LUNDI 28 MARS, AU PORT DU SOMAIL, LE LONG DU CANAL DU MIDI,

Cette manifestation est organisée, autour des arts plastiques et de la littérature, par l’association « Les oiseaux de passage ».

La Maison du Banquet, partenaire, y propose le programme littéraire suivant.

EMBARQUEZ-VOUS LE TEMPS D’UN WEEK-END
AVEC CHRISTIAN GARCIN, ÉCRIVAIN VOYAGEUR 

Christian Garcin est l’auteur d’une œuvre vaste comprenant des romans, des nouvelles, des poèmes, des essais, et quelques livres inclassables. On retrouve certains thèmes de prédilection dans ses écrits, comme la solitude, la frontière (réelle ou imaginaire), les souvenirs, la fuite, les voyages. Son dernier ouvrage, Les Vies multiples de Jeremiah Reynolds, est finaliste du Grand Prix RTL – Lire 2016.

* Deux ateliers « En lisant en écrivant » animés par Christian Garcin
Durant deux après-midi : le samedi 26 mars et le dimanche 27 mars, de 14h30 à 16h30, au restaurant Le Plan B.
10 €/atelier (2 boissons comprises ou 1 boissons et 1 pâtisserie/atelier). Inscription préalable conseillée à l’office du tourisme du Somail :
04 68 41 55 70 – ot-somail@legrandnarbonne.com.
Puis, le jour même : sur place au restaurant Le Plan B.

Ces deux après-midi sont organisées en séquences successives de travail : exposé de l’auteur sur un grand roman de voyage ; temps de lecture partagée d’un passage du livre en question ; temps d’écriture personnelle à partir de consignes issues de la lecture de l’extrait du roman ; enfin, restitution libre par lecture à voix haute des textes écrits par les participants.
Les œuvres abordées : Moby Dick, d’Herman Melville (le samedi 26), et Manuscrit trouvé dans une bouteille, d’Edgar Poe, ainsi que La Neige de l’amiral, d’Alvaro Mutis (le dimanche 27).

* Repas littéraire « L’Invitation au voyage »
Restaurant Le Comptoir Nature le dimanche 27 mars à 19 h.
Menu : apéritif + choix de plats et de desserts : 21,50€/pers.
Réservation obligatoire à :
À l’Office de tourisme du Somail : 04 68 41 55 ; ot-somail@legrand-narbonne.com
Sur place, au restaurant Le Comptoir Nature :
04 68 46 01 61 lecomptoirnature@hotmail.fr

Au moment de l’apéritif, un temps littéraire : conversation, lecture, débat avec Christian Garcin, à l’occasion de la parution de son dernier roman Les Vies multiples de Jeremiah Reynolds (Stock, 2016).

PERFORMANCE LITTÉRAIRE ET MUSICALE AVEC L’ÉCRIVAIN JOCELYN BONNERAVE

* Restaurant Le Plan B, Le Somail, le samedi 26 mars à 17 h
Entrée libre et gratuite.

Jocelyn Bonnerave est écrivain et performer. Son travail littéraire s’articule avec de nombreuses pratiques musicales, théâtrales et plastiques. Il a consacré une thèse de doctorat à l’anthropologie de la performance musicale improvisée. Sa recherche littéraire est marquée par l’oralité, le rythme et l’effet de spontanéité.
Habitué aux lectures-concerts qui prolongent son travail littéraire sur le rythme de la langue et l’hybridité de la vie, Jocelyn Bonnerave fera entendre des extraits de Singulière. Ce texte inédit documente avec fantaisie, gravité et humour la cavale authentique d’une bête sauvage dans l’hyper-centre d’une grande ville. Amateur de collaborations avec des musiciens improvisateurs, l’auteur jouera ici la carte du solo, où la guitare percussive et hypnotique vient amplifier l’éloquence de la narration.

 

ATELIER RÉSIDENTIEL AVEC LES ÉTUDIANTS DES BEAUX-ARTS DE TOULOUSE (ISDAT) : PRÉSENTATION PUBLIQUE DES TRAVAUX (TEXTES, DESSINS, INSTALLATIONS, PERFORMANCES) INSPIRÉS DE L’ABBAYE PUBLIQUE DE LAGRASSE,

JEUDI 7 AVRIL 2016 À 18 H 30

La Maison du Banquet & des générations en partenariat avec l’isdaT (institut supérieur des arts de Toulouse)

Du 4 au 8 avril, des étudiants de l’isdaT ont suivi un atelier d’écriture de Jocelyn Bonnerave à l’abbaye de Lagrasse.
Cet atelier propose de mettre en relation l’écriture littéraire avec les arts plastiques,
et la création contemporaine avec un monument patrimonial.

Conversation // Lecture des œuvres // Débat avec les étudiants
Entrée libre et gratuite

 

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 Samedi 18 juin, de 18 h à 20 h : « Explication de texte », MOMENT littéraire PROPOSÉ
par Yves Le Pestipon

Dans cette première conférence, Yves Le Pestipon proposera l’analyse d’un court passage d’une grande œuvre classique, en l’occurrence, une fable de La Fontaine : Le Savetier et le Financier.

Yves Le Pestipon, poète, performeur et théoricien de la littérature, ancien élève de l’ENS (Saint-Cloud), agrégé des lettres, est actuellement professeur de Première Supérieure (Khâgne) à Toulouse. Il est l’auteur d’une thèse sur les relations de pouvoir dans l’œuvre de La Fontaine et d’articles consacrés aux Fables, dont il a aussi établi une édition (GF Flammarion). Il a publié plusieurs recueils de poésie et de nouvelles. En 2014, il publie un essai : Oublier la littérature ? (Éd. Rue des Gestes), qui tente d’explorer le paysage contemporain de la littérature, en revisitant l’histoire de cette notion. Par ailleurs, il a coopéré à plusieurs films documentaires : une série Le Bestiaire des Pyrénées (France 3), Grothendieck, sur les routes d’un génie (K productions, 2013)…
Par ailleurs, tenant de la poésie orale, il participe à de nombreux événements littéraires à Toulouse et dans sa région. Depuis une dizaine d’années, il est l’un des animateurs du festival des « Bruissonnantes » à Toulouse et des « Rencontres des Bouches » qui se tiennent dans les montagnes, et réunissent des poètes marcheurs, parfois spéléologues, dans des aventures de voix et  de corps.
Performeur, il a multiplié, ces dernières années, les prestations orales en des lieux divers comme le Théâtre Garonne, la Cave Poésie de Toulouse, le Théâtre du Ring, le Théâtre du Hangar, le Théâtre du Grand Rond, deux universités américaines, Saint-Antonin-Noble-Val, Saint-Ouen, Vanadazor ou Kapan en Arménie…  Il pratique particulièrement ce qu’il appelle « conférence-action ».

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Le Savetier et le Financier

« Le Savetier et le Financier » fait partie de ces fables qu’on ne se lasse pas de lire, de dire, et de réentendre. Elle peut prendre une actualité nouvelle en ce début de siècle, alors qu’on dénonce, un peu partout, les ravages de la Phynance, comme la nommait déjà Alfred Jarry, mais elle est plus maline, et plus drôle, et permet de multiplier les interrogations. C’est un classique, dont l’actualité toujours renouvelée n’épuise pas les vertus.
Pour les mesurer, et s’en délecter, il peut être intéressant et plaisant de s’attarder à ses détails, de les déployer autant que possible, jusqu’au moment de jouissance en plein dans la subtilité des plis, donc de faire une explication de texte. C’est un travail en forme, dans les formes, au vertige de l’infini, qui peut nous rendre, je l’espère, « plus gais qu’aucun des sept sages », justement, en « faisant des passages ».

 SAMEDI 30 JUILLET 2016, de 11 h à 21 h

JOURNÉE « À VOIX HAUTE » AVEC MICHEL ARBATZ & Cie

poésie   parole   musique

Michel Arbatz & Cie présentent :
la BIP – Brigade d’Interventions Poétiques
et Poêtre, Spectacle poétique

Libre et gratuit

Pour sa quatrième édition, cette journée de création et de transmission poétique réunira écrivains, performers et comédiens autour de ce projet : faire entendre à voix haute le texte écrit de la poésie. S’inventent là de nouvelles formes de spectacle.

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Le programme, entre village et abbaye publique
Dès le samedi matin, lors du marché place de la halle, jusqu’au soir, pour l’apéritif autour de vins des Corbières, Michel Arbatz et sa B.I.P. réaliseront des interventions poétiques, comme autant de moments de rupture où chacun est conduit à faire « un pas de côté », se sépare des automatismes de la vie quotidienne et se trouve relié à l’autre grâce à la force de la poésie qui nous éloigne des représentations convenues du monde et nous relie par le verbe.

11 h : Commandos poétiques de la BIP, au marché

12 h : L’écailler de poésie. Éloge de l’huître de Michel Arbatz, place de la Halle

17 h : Votre avenir en poésie, la comédienne Charo Beltran tirera les cartes, petit cloître de l’abbaye publique

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18 h : Poêtre (la poésie, ça sert à quoi ?) Spectacle poétique, petit cloître

18 h 15 : Manifestation poétique jusqu’à la place de la Halle (au centre du village) en passant par le pont vieux

18 h 20 : Poêtre (suite), place de la Halle

19 h : Apéritif poétique, Le Bistrot à vin, place de la Halle. Le verre de vin à partir de 2 € et l’assiette gourmande charcuteriefromage : 5 €

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Michel Arbatz
Né en 1949 à Paris, il vit désormais à Montpellier. Chanteur, comédien, poète, écrivain, intéressé par la théâtralité sous toutes ses formes, il se met en scène dans des spectacles faits d’un mélange inclassable de textes (les siens et ceux des autres), de gestes et de musiques. Il a réalisé huit albums de ses chansons et deux autres consacrés à Robert Desnos (ffff Télérama) et Roland Dubillard (Choc du Monde de la Musique). Son dernier opus, (octobre 2011), Chez Jeanne, raconte en chansons la jeunesse de Brassens.
Par ailleurs, il compose de la musique pour le théâtre (Armand Gatti, Timar, etc). Il a réalisé la musique du film de Pavel Lounguine Familles à vendre (Grand Prix du festival de Sotchi 2006), ainsi que de films documentaires. Tout le touche et il touche à tout.
Son dernier ouvrage paru : Hourrah l’Oral ! (essai), Le Temps qu’il fait, 2014.

La Bip (Brigade d’Interventions Poétiques)
C’est un groupe à géométrie variable d’employés de la poésie, de créateurs de quiproquos. Son titre est volontairement guerrier, à contrepied des barbaries modernes, pour la fraternité des mots. La BIP intervient sur tous les lieux publics, à l’occasion d’événements et de non-événements.
Les BIPeurs disent leurs textes en solo, en duo, en chœur, à pleine voix, en chuchotant au creux d’une oreille, ou en masse, au téléphone, sur les sonos détournées, à travers les fenêtres ou les tuyaux, les hygiaphones et les interphones. Entre fureur et tao, en rapant, en bégayant, en râlant ou en sirotant. Toujours brièvement (quelques minutes au maximum) et avec l’assentiment de celui qui écoute.
Le répertoire de la BIP est surtout moderne ou contemporain. Ni « tubes », ni poncifs, il s’agit de faire découvrir les trésors méconnus, même chez les poètes connus, et dire Desnos, Char, Michaux, Ritsos, mais aussi, Jean-Pierre Darras, Prévert, Queneau, Ponge, Pessoa, René-Guy Cadou, Roland Dubillard, Robert Piccamiglio, Andrée Chedid, Michel Arbatz…
Chaque BIPeur a son répertoire, qu’il renouvelle, et peut rejoindre le chœur dans des textes communs. En additionnant les mémoires, cela fait des dizaines et des dizaines de textes.

Poêtre (Spectacle poétique)
Cinq personnages (quatre hommes et une femme) s’interrogent, s’affrontent, se bousculent sur le sens de dire la poésie de nos jours, et sur la façon de le faire. Le spectacle reprend le meilleur du répertoire poétique de la BIP (Maïakovsky, Nazim Hikhmet, Neruda, Léonard Cohen, Darras, Alberti, Valérie Rouzeau…) dans un parcours facétieux, plein de ruptures, et laissant la part belle au rire.
Textes dits, proclamés, chuchotés, éructés, rappés, chantés, mis en pièces raccommodés, en solo, en duo, en chœur, en pugilat ou en bonne entente. D’une durée d’environ 50 minutes, il a été créé en mars 2013 à Nîmes (Carré d’Art) et Sète (Musée Paul Valéry).

 

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Le Bistrot des Vins sur le Fruit
Laurent Jamois, maître-caviste, sélectionne pour nous des vins des Corbières et d’ailleurs, qui ont une âme, celle de la qualité, de la saveur et de l’humain.

Voir informations complémentaires sur le site de Michel Arbatz et sa B.I.P.

 

POÉTIQUE DE L’ESPACE : L’AVENTURE PASTORALE

avec Sylvain Prudhomme, écrivain, Florence Robert, bergère des Corbières et écrivaine, Lionel Roux, photographe

 SAMEDI 12 NOVEMBRE de 15 H à 18 h 30

Entrée libre et gratuite

Rencontres, Conversations, Projection de photographies

« On croit parfois se connaître dans le temps, alors qu’on ne connaît qu’une suite de fixations dans des espaces de la stabilité de l’être, d’un être qui ne veut pas s’écouler, qui, dans le passé même quand il s’en va à la recherche du temps perdu, veut « suspendre » le vol du temps. Dans ses milles alvéoles, l’espace tient du temps comprimé. L’espace sert à ça. »
« C’est par l’espace, c’est dans l’espace que nous trouvons les beaux fossiles de durée concrétisés par de longs séjours. L’inconscient séjourne. Les souvenirs sont immobiles, d’autant plus solides qu’ils sont mieux spatialisés. »
« Il semble alors que c’est par leur « immensité » que les deux espaces : l’espace de l’intimité et l’espace du monde, deviennent consonnants. Quand s’approfondit la grande solitude de l’homme, les deux immensités se touchent, se confondent. Dans une lettre, Rilke se tend, de toute son âme, vers « cette solitude illimitée, qui fait de chaque jour une vie, cette communion avec l’univers, l’espace en un mot, l’espace invisible que l’homme peut pourtant habiter et qui l’entoure d’innombrables présences ».
(Gaston Bachelard, La Poétique de l’espace, P.U.F., 1957)

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La poétique de l’espace, est ce que l’on perçoit d’un lieu, d’un paysage, ce qu’il évoque, ce qui lui est propre, ce qui par lui résonne en nous et révèle cette relation unique que chacun a aux lieux, aux sensations qui s’en dégagent, au(x) temps ; terreaux fertiles à l’imaginaire, aux souvenirs, à la réalisation de soi, véritable élan et promesse d’avenir, mémoire et transformation du passé. Dynamique d’abord intérieure, selon ses références, son désir de faire sens. La poétique de l’espace met en mouvement, inspire et devient le lieu de la création…

Cet après-midi accueillera trois intervenants : l’écrivain Sylvain Prudhomme, Florence Robert, « bergère des Corbières » et écrivaine, Lionel Roux, photographe.

 AU PROGRAMME :

10h :  Ouverture du Café-Librairie
15h-15h45 : Rencontre-conversation-lecture avec Sylvain Prudhomme, autour de son dernier roman, Légende
15h45-16h30 : Rencontre-conversation-lecture avec Florence Robert, à propos de son livre, Bergère des Corbières.
16h30-17h : Pause
17h-17h45 : Rencontre-conversation-lecture avec Lionel Roux, autour d’Odyssée pastorale ; projection des photographies
17h45-18h30 : Discussion entre les trois auteurs invités.

LES INTERVENANTS :

Sylvain Prudhomme, né en 1979 à La Seyne-sur-Mer est romancier. Il a grandi à l’étranger (Niger, Burundi, Île Maurice) avant de venir étudier les Lettres à Paris. Il est agrégé de lettres modernes et construit depuis quelques années une œuvre littéraire ouverte sur le monde. L’Afrique contemporaine où il a longtemps vécu et travaillé est une des sources d’inspiration principales de ses derniers livres et reportages.
Il part recueillir des contes dans le nord du Bénin : Contes du pays tammari (Éd. Karthala, 2003), participe à la création de la revue Geste. Il est également l’auteur des Matinées d’Hercule (Éd. Serpent à Plumes, 2007), monologue romanesque sur le thème de l’homme qui dort et du voyage immobile et du Tanganyika Project (Éd. Léo Scheer, 2010). Ses deux derniers romans sont publiés aux Éditions L’Arbalète Gallimard : Là, avait dit Bahi a reçu le prix Louis Guilloux 2012, Les Grands, paru en 2014, a reçu le Prix Georges Brassens.
Il a également réalisé des reportages en feuilletons pour le magazine Le Tigre : La vie dans les arbres, Africaine Queen et traduit l’essai Décoloniser l’esprit (La Fabrique, 2011) de l’écrivain kenyan Ngugi wa Thiong’o.
Sylvain Prudhomme vit désormais à Arles près de la Crau qui lui inspire pour une part son dernier roman, Légende (Gallimard / L’Arbalète en septembre 2016).

À propos de Légende
La Crau, désert de pierres aux portes d’Arles. Pays ras, pays nu, abandonné au mistral et aux brebis. C’est là que vivent Nel et Matt, l’un, fils et petit-fils de bergers, aujourd’hui photographe, l’autre, constructeur de toilettes sèches publiques, réalisateur à ses heures perdues.
Entre eux une amitié forte, belle. Jusqu’au jour où, travaillant à un nouveau film, Matt s’intéresse à la vie de deux cousins de Nel aujourd’hui disparus. Deux frères maudits, qui ont traversé comme des comètes ces mêmes paysages, se consumant à toute allure, en pleines années 1980.
allers-retours à Madagascar, adolescence sans parents, fêtes, violence, liberté, insouciance : la trajectoire des deux frères, aussi brève qu’intense, se recompose peu à peu. Échos et correspondances se tissent entre passé et présent, renvoyant Matt et Nel à leurs propres choix, nous interrogeant, à notre tour, sur notre place dans le monde.

 

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Florence Robert est née en 1970 en Gironde. Elle est éleveuse et bergère de métier et par passion.
De 1993 à 2006, elle effectue de nombreux voyages à l’étranger, elle suit des études de loisirs sportifs, des randonnées à cheval, et exerce dans le Gers le métier de calligraphe. Et puis Florence Robert décide de se consacrer à l’élevage de moutons.
Cette aventure a débuté en 2008, où elle effectue un premier stage d’apprentie bergère. Ensuite, elle se lance dans la création de la ferme des Belles Garrigues, située à Albas, près de Durban-Corbières, où elle mène sa vie de bergère. C’est alors un changement de vie radical : les tâtonnements des débuts, l’ivresse et la rudesse des gardiennages en garrigue, les amis et rencontres qui ont fait cette ferme, les petits miracles de l’agnelage, les peines et les joies de ce métier pratiqué dans ces incroyables et dures Corbières. Elle a créé un blog où elle informe régulièrement sur son activité : http://bellesgarrigues.org/. La passion de l’écriture lui est venue depuis de nombreuses années, et elle publie en 2006 avec Séverine Le Pan-Vaurs un livre à quatre mains de prose poétique : Marie-(h)Ombre (Éditions N & B, Toulouse).
Florence Robert a publié en 2015 Bergère des Corbières, qui retrace cette aventure à partir des notes écrites tout au long de ces années.

Extrait de Bergère des Corbières :
Il a bien fallu cocher « ovin-viande » sur le formulaire d’inscription à la formation agricole. « Ovin-viande » pour vivre dans le cru des choses, au plu après de la Nature. Du sang, du nerf, de la douceur… Une année s’est écoulée depuis que les brebis sont descendues de leur camion bleu. Dans le rétroviseur, une année pleine à craquer, un grand désordre d’images, de visages, d’émotions, d’échanges. J’ai trouvé ce que je venais chercher et bien d’autres choses, que seule l’expérience peut révéler. »

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Lionel Roux
est photographe, né en 1970 à Arles, où il vit et travaille aujourd’hui.
Il est fils de berger et petit-fils de berger. Il apprend la photographie en suivant les transhumances avec ses oncles, puis, il parcourt le vaste territoire de la photographie comme archiviste chez Magnum. Il prend plus décisivement le chemin de la photographie après sa rencontre avec les images de Joseph Kudelka. Un matin de 1994, il part rejoindre les bergers des Pyrénées avec son appareil photo.
Assez vite, de nombreux prix récompensent son travail photographique et confirment son engagement ; dès lors, il ne quittera plus les chemins de transhumance qu’il parcourt en France et dans de nombreux pays. Depuis quinze ans maintenant, il construit avec des images le récit de la passion silencieuse qui est au cœur du monde pastoral.
Lionel Roux parlera de son livre, Odyssée pastorale (Actes Sud, 2009), dont les photographies ont fait l’objet d’une exposition aux Rencontres de la photographie d’Arles en 2016. Il présentera au cours de la journée les photographies du livre, grâce à la projection sur grand écran d’un diaporama.

À propos d’Odyssée pastorale :
Petit-fils de berger et photographe professionnel, Lionel Roux portait en lui depuis de nombreuses années le désir de concilier son talent de photographe et sa connaissance intuitive, tout à la fois intime et obscure, des univers du pastoralisme. Odyssée pastorale de Lionel Roux est empreinte d’une qualité première qui ne se rencontre que fortuitement : la parfaite cohérence entre le projet traité et la personnalité de son auteur. Entamant dès 1994 ses premiers travaux sur la transhumance, le photo – graphe découvre rapidement que son désir initial se double d’une ambition et d’une responsabilité plus essentielles : tenter de rendre compte des multiples réalités d’un monde complexe dont les représentations folklorisées ou nostalgiques ont fini par masquer les véritables enjeux. Figures antiques et tutélaires des grandes civilisations, les bergers et leurs troupeaux ne sont en aucune manière les vestiges symboliques et archaïsants d’un monde originellement et essentiellement rural. À l’aube du XXIe siècle, le pastoralisme demeure une activité économique et humaine majeure pratiquée sur tous les continents et en proie à des évolutions qui recoupent les grands débats planétaires. C’est cette réalité nouvelle dont Lionel Roux tente d’établir l’inventaire en esquissant les portraits des territoires et pratiques de l’activité pastorale contemporaine. Parcourant l’Éthiopie, la Grèce, l’Afrique du Sud, la Roumanie, l’Italie et la France dans le sillage des bergers et de leurs troupeaux, il photographie avec précision – et dans une grande beauté plastique – les tâches et travaux des saisons et des jours.
« Pas la moindre trace de nostalgie dans ces images qui sont pourtant celles d’un monde en voie de complète transformation. Fils et petit-fils de berger, le photographe Lionel Roux ne cherche ni à témoigner d’un quelconque déclin, ni à susciter les regrets ; il capte, pour la restituer en images, la puissance silencieuse qui se perpétue sous les formes actuelles de la vie pastorale, cette force vitale forgée dans le contact des hommes et des bêtes partageant la même condition. Image après image, de Grèce en Roumanie ou d’Ethiopie en Corse, il dégage patiemment le chemin qui nous relie à notre lointaine origine : celle d’une humanité ne connaissant en matière de temps que celui du cycle des saisons, et de proximité que celle de la nature et des bêtes. » (Extrait de la Préface de Jean-Paul Curnier).

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enregistrement audio

Leçons de littérature, par le romancier Jocelyn Bonnerave, dans le cadre du cycle des ateliers « en lisant en écrivant » de 2016 : «Mare nostrum »

 

Atelier du 9 janvier 2016 : L’Odyssée de Homère, première partie : L’épopée de l’errance

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Atelier du 6 février 2016 : L’Odyssée de Homère, deuxième partie : Le traité de maintien pour aristocrate

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VIDÉOS

Rencontre avec Cécile Ladjali du 19 mars 2016 (vidéo réalisée par Jacques Madrenes) :

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