Sélection de mai 2020

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La sélection des livres de mai 2020

La librairie Le nom de l’homme a rouvert ses portes le jeudi 14 mai​. Jusqu’au 2 juin, elle vous accueille les vendredis de 13h à 18h et les samedis de 10h à 13h.

LITTÉRATURE FRANÇAISE

Valérie Cibot, Nos corps érodés, Éditions Inculte, mars 2020, 144 p., 14,90 €

Une île au bord de l’océan. Ses plages rongées par l’érosion, ses blockhaus, vestiges enlisés du mur de l’Atlantique, et une vague plus haute que les autres qui menace de bientôt tout emporter. Une géologue revenue sur les terres de son enfance tente de faire comprendre aux occupants qu’il faut abandonner le rivage, trop dangereux, reculer habitations et commerces avant qu’il ne soit trop tard. Mais sur l’île, qui ne vit que grâce au tourisme, son projet ne plaît pas. Trop d’enjeux économiques, trop de haines venues du passé, que cristallise la présence toujours étouffante des blockhaus le long des plages. La violence et la vague ne vont pas tarder à déferler ensemble sur la petite communauté.

Après Bouche creusée, Valérie Cibot nous offre un deuxième roman qui confirme toute la puissance poétique de sa plume. Elle poursuit son voyage dans la noirceur de l’âme humaine, sa petitesse, son incorrigible penchant pour le déni, fût-il porteur d’un avenir funeste.

https://diacritik.com/2020/05/11/valerie-cibot-il-faut-retrouver-un-paysage-immobile-nos-corps-erodes/

 

Jean-Marie-Gustave Le Clézio, Chanson bretonne, L’enfant et la guerre, deux contes, Gallimard, mars 2020, 160 p., 16.50 €

 «Pour rien au monde nous n’aurions manqué cette fête de l’été. Parfois les orages d’août y mettaient fin vers le soir. Les champs alentour avaient été fauchés et la chaleur de la paille nous enivrait, nous transportait. Nous courions avec les gosses dans les chaumes piquants, pour faire lever des nuages de moustiques. Les 2 CV des bonnes sœurs roulaient à travers champs. Les groupes d’hommes se réunissaient pour regarder les concours de lutte bretonne, ou les jeux de palets. Il y avait de la musique de fanfare sans haut-parleurs, que perçaient les sons aigres des binious et des bombardes.»
À travers ces « chansons », J.M.G. Le Clézio propose un voyage dans la Bretagne de son enfance, qui se prolonge jusque dans l’arrière-pays niçois. Sans aucune nostalgie, il rend compte de la magie ancienne dont il fut le témoin, en dépit des fracas de la guerre toute proche, par les mots empruntés à la langue bretonne et les motifs d’une nature magnifique. Le texte est bercé par une douceur pastorale qui fait vibrer les images des moissons en été, la chaleur des fêtes au petit village de Sainte-Marine ou la beauté d’un champ de blé face à l’océan.

https://www.en-attendant-nadeau.fr/2020/04/29/enfance-le-clezio/

 

Anne-Marie Garat, La Nuit atlantique, Actes sud, février 2020, 320 p., 21.50 €

Un soir d’automne, Hélène se rend dans une petite station balnéaire de Gironde au volant de la voiture qu’elle a louée à Paris, décidée cette fois-ci à mettre enfin en vente sa vieille villa isolée sur la dune, achetée dix ans plus tôt à une institutrice depuis lors décédée. En se délestant de ce bien dont elle ne tire que tracas et tourments, Hélène pense évacuer les fantômes qui parasitent son existence de femme active, célibataire, nullipare, et satisfaite de l’être, ainsi qu’elle se le proclame.
Or, dès le premier soir, la maison se révèle squattée par un jeune photographe nippo-canadien dont la compagnie va bousculer ses plans. De même, l’arrivée inopinée de Bambi, sa filleule chérie, en proie à de sérieux soucis personnels, et la rencontre d’inconnus du voisinage dérèglent le programme initial comme si conjonctions cosmiques et fureurs atlantiques interféraient autant que les événements prosaïques pour que s’opère la métamorphose dont chaque personnage semble devoir faire l’expérience.
Entre apprivoisement du présent et revisitation du passé, relations neuves et effractions intimes, remuements géologiques, climatiques et historiques, entre plages jalonnées de blockhaus, chemins forestiers parcourus par des nuits sans lune, tempête centennale, crimes anciens surgissant d’un tableau et voix perdues, entre érosion des côtes océanes et de toutes les certitudes, Hélène s’effondre comme pour mieux se relever, s’ouvrir aux initiations qui l’attendent et vivre la mue libératrice et amoureuse à laquelle elle ignorait si ardemment aspirer.

https://www.lemonde.fr/livres/article/2020/02/23/anne-marie-garat-mes-romans-m-ecrivent-autant-que-je-les-ecris_6030532_3260.html

 

Nimrod, La Traversée de Montparnasse, Gallimard, février 2020, 128 p., 12 €

« »Tu vois, mon cher Kouassi, a repris Pierre, c’est un spectacle délicieux que nous offre Zouna livrée à ton corps. L’autre jour, je me demandais si ta connaissance des sciences européennes, de la littérature et de la philosophie ne t’avait pas aveuglé en fin de compte. Ce n’est pas parce que je t’aime, et Fanny aussi, ainsi que Jules et Laurent, que cela te rend pareil à nous. Dis-moi, crois-tu être devenu un Blanc? »»
Un dandy ivoirien, orphelin adopté par un puissant personnage de son pays, déborde de finesse d’esprit, d’amitié, et d’élans poétiques entre la canopée africaine et la canopée parisienne. Autour du protagoniste narrateur qui avance masqué, une poignée de Français, amis trentenaires du monde de l’édition, de mœurs et de culture raffinées, d’extrême élégance existentielle. Tout est si harmonieux, sensuel, léger, rare, sentimental même… Comment prévoir le dérapage de l’un d’eux, laissant planer une menace bien réelle, en plein Quartier latin, au cœur de Paris?

« Perdre la face… littéralement. Un maléfice auquel est confronté le héros, de l’Afrique aux cafés parisiens, où le snobisme le dispute à la vanité. Enivrant. Son amour des mots, à la fête dans chaque phrase, porteurs de sens et sources d’ivresse, donne une belle musicalité au livre, en même temps qu’une douce folie. » Télérama, 31 mars 2020

 

Alain Blottière, Azur noir, Gallimard, janvier 2020, 160 p., 16 €

«Il vit Rimbaud retirer sa veste et la tenir à l’épaule, prendre la rue de Strasbourg puis s’engager dans le boulevard de Magenta vers le nord. Cette fois, il lui semblait certainement que Paris déjà lui appartenait et qu’il n’allait plus jamais en repartir. Verlaine avait été empêché, devait-il penser, et l’attendait chez lui. Il lui avait donné son adresse, rue Nicolet, à Montmartre, tout près de la gare.»
Léo vient d’emménager avec sa mère à Montmartre, à l’endroit même où Verlaine et Rimbaud se sont rencontrés et aimés cent cinquante ans plus tôt. Durant un été caniculaire de «fin du monde», alors qu’il croit devenir aveugle, le garçon voit renaître le Paris des deux poètes et en fait son ultime refuge.

« Un roman d’un charme profond et d’une menace effrayante. » Le Monde, 23 janvier 2020

 

Virginie Symaniec, Barnum, Éditions Phares et Balises, décembre 2019, 232 p., 18 €

Virginie Symaniec est historienne, spécialiste de l’histoire du théâtre en Russie et en Biélorussie. En 2013, elle fonde Le Ver à soie, sa maison d’édition, prolongeant par les livres qu’elle publie la relation intime qu’elle entretient avec la littérature, française et étrangère.

Mais comment faire connaître et commercialiser son catalogue ? Virginie Symaniec a imaginé d’aller au plus près des lecteurs, si possible là où le public ne l’attend pas : l’essentiel de sa production, elle la vend sur les marchés des places des villes et des villages.

C’est cet univers qu’elle nous dévoile dans Barnum – Chroniques, avec beaucoup d’humour et une verve joyeuse qui alterne avec une réelle gravité. Un univers sur lequel elle porte un regard politique profondément humain : le monde des marchands et des forains aux vies multiples et souvent abîmées, qui ne perdent jamais leur humour ou leur esprit combatif. Un monde régi par des règles strictes mais non écrites, animé par des acharnés du travail qui ne craignent ni frimas, ni intempérie, et qui portent parfois haut le sens de la loyauté et de la justice.

https://blogs.mediapart.fr/edition/aux-lecteurs-et-lectrices-emancipe-es/article/201219/barnum

 

LITTÉRATURE ÉTRANGÈRE

Lionel Shriver, Propriétés privées, traduit de l’anglais (États-Unis) par Laurence Richard, Belfond, 456 p., 21 €

Ne dit-on pas que les choses que l’on possède finissent toujours par nous posséder ?

Alors que son meilleur ami décide de l’exclure de sa vie, une artiste tente de récupérer le cadeau démesuré qu’elle lui avait offert.
Un couple entreprend de bouter hors de chez lui son fils de trente ans qui, en bon millenial, va mettre en scène cet « abandon » sur les réseaux sociaux et devenir une star du net.
Un businessman détourne l’argent de son entreprise et s’envole pour une vie dorée au soleil, avant de se voir rongé par la culpabilité.
Une femme s’acharne à posséder une maison qui ne veut pas d’elle…

Portées par la verve sarcastique, l’esprit d’analyse, la provocation d’une Shriver au meilleur de sa forme, douze histoires sur un sujet aussi inattendu que central : la propriété. Celle que nous nous octroyons sur les autres, sur les objets, celle qui définit notre statut social, celle qui nous aliène aussi.
Critique acerbe de nos sociétés malades, miroir peu flatteur de notre course effrénée à la possession, une œuvre d’une brûlante actualité, salutaire et éclairante. 

https://www.lemonde.fr/critique-litteraire/article/2020/04/29/proprietes-privees-de-lionel-shriver-avoir-et-etre_6038104_5473203.html

 

Juan Jose Saer, Les Nuages, traduit de l’espagnol (Argentine) par Philippe Bataillon, Le Tripode, mai 2020, 224 p., 19 €

Argentine, 1804 : le docteur Weiss, adepte de la nouvelle psychiatrie parisienne, fonde une maison de santé pour malades mentaux. Les « aliénés » y sont traités avec humanité et l’établissement acquiert une réputation aux quatre coins de la Vice-Royauté du Río de la Plata. Son disciple, Real, reçoit une mission déraisonnable : convoyer de Santa Fe à Buenos Aires une caravane de fous. Il y a un jeune homme mélancolique, une nonne nymphomane, un dandy maniaque et deux frères qui souffrent de délire linguistique. À cet hôpital ambulant se joignent un guide, deux soldats, trois prostituées. Mais la pampa est immense, désespérément vide, et la civilisation lointaine. Au cours de la traversée du désert, la frontière entre folie et normalité devient plus que trouble…

 

Agata Tuszyńska, Affaires personnelles, traduit du polonais par Isabelle Jannès-Kalinowski, L’Antilope, mai 2020, 384 p., 21.50 €

Qui s’en souvient ? En 1968, la Pologne a de nouveau été traversée par une campagne antisémite, cette fois, orchestrée par le pouvoir communiste.
Toute une génération – ou presque –, celle qui a environ vingt ans à ce moment-là, se retrouve obligée de partir, n’emportant que très peu d’« affaires personnelles ».
Cinquante ans plus tard, Agata Tuszyńska va à la rencontre de celles et de ceux qui ont dû quitter leur pays et se sont exilés à travers le monde. En réunissant d’émouvants témoignages, elle nous fait entrer au cœur de cette génération de Juifs, souvent enfants de la nomenklatura communiste, ignorant pour la plupart leur judéité et le passé de leurs parents.

https://viduite.wordpress.com/2020/04/22/affaires-personnelles-agata-tuszynska/

 

POLARS

James McLaughlin, Dans la gueule de l’ours, traduit de l’anglais (États-Unis) par Brice Matthieussent, Rue de l’Échiquier, janvier 2020, 448 p., 23 €

Criminel en cavale, Rice Moore trouve refuge dans une réserve des Appalaches, au fin fond de la Virginie. Employé comme garde forestier, il cherche à se faire oublier du puissant cartel de drogues mexicain qu’il a trahi. Mais la découverte de la carcasse d’un ours abattu vient chambouler son quotidien : s’agit-il d’un acte isolé ou d’un braconnage organisé ? L’affaire prend une tout autre tournure quand de nouveaux ours sont retrouvés morts. Alors que la police ouvre une enquête, Rice décide de faire équipe avec Sara Birkeland, une scientifique qui a occupé le poste de garde forestier avant lui. Ensemble, ils mettent au point un plan pour piéger les coupables. Un plan qui risque bien d’exposer le passé de Rice.

James McLaughlin signe avec Dans la gueule de l’ours un premier roman époustouflant. Au-delà d’une intrigue qui vous hantera longtemps, l’auteur se confronte à des questions essentielles : comment la nature et l’homme se transforment-ils mutuellement ? Quelle est la part d’animalité en chaque être humain ? Un retour à la vie sauvage est-il possible pour l’homme occidental ?

https://www.lemonde.fr/critique-litteraire/article/2020/01/31/dans-la-gueule-de-l-ours-james-a-mclaughlin-respire-la-vie-sauvage_6028011_5473203.html

 

Dominique Sylvain, Une Femme de rêve, Viviane Hamy, janvier 2020, 304 p., 19 €

«  Pas d’erreur, cette fille était de la race des vaincus. Elle ne tenterait rien. En bonne intello, elle se contenterait d’analyser. Et tu en arriveras à la conclusion que mon père n’a aucune raison de te vouloir du mal. Une déduction erronée. Le souci avec lui, c’est qu’il n’a jamais été maître des émotions étranges qui chevauchent dans les méandres de son esprit. Il est comme un demi-dieu, capable du pire comme du meilleur. Un être absurde et merveilleux, dépourvu d’empathie, sans peur, susceptible de se lancer dans des actions inutiles et sacrément périlleuses pour lui et son entourage.  »

Après avoir fréquenté Les Infidèles et fait une escale au Japon avec Kabukicho, Dominique Sylvain nous emporte une fois encore dans son univers dangereusement onirique et sensuel. Nouvelles technologies et bitcoins lui offrent mille et une manières de tordre le cou aux codes du roman policier.

Ce livre a reçu le prix Claude Chabrol 2020 (roman noir adaptable au cinéma).

https://www.franceinter.fr/emissions/le-polar-sonne-toujours-2-fois/le-polar-sonne-toujours-2-fois-23-janvier-2020

 

Dror Mishani, Une deux trois, traduit de l’hébreu par Laurence Sendrowicz, Gallimard, mars 2020, 336 p., 19 €

Une : Orna. Deux : Emilia. Trois : Ella. La première vit très mal son récent divorce. Elle s’apitoye sur elle-même, fréquente sans vrai désir Guil, un avocat rencontré sur un site web qui lui ment avec aplomb. Elle connaît brutalement un destin tragique. La deuxième, une réfugiée lettone, auxiliaire de vie, est une pauvre fille solitaire, paumée, mystique. Le fils de son précédent employeur – qui vient de mourir – veut l’aider à trouver du travail. Il s’appelle Guil. Ça ne se termine pas bien non plus. Apparemment, Guil sévit en toute impunité… C’est alors que survient la troisième, l’inquiétante Ella…

https://www.en-attendant-nadeau.fr/2020/04/01/suspense-29-mishani/

 

LIVRES DE POCHE 

Michaël Ondaatje, Ombres sur la Tamise, traduit de l’anglais par Paul Gagné et Lori Saint-Martin, Points, mai 2020, 312 p., 7.40 €

Dans le Londres de l’après-guerre encore meurtri par les séquelles du Blitz, deux adolescents, Nathaniel et Rachel, sont confiés par leurs parents à de mystérieux individus. L’un d’eux, « Le Papillon de Nuit », va se charger de leur éducation, et les entraîner progressivement dans un monde interlope, aux marges de la légalité. Bien des années passeront avant que Nathaniel fasse toute la lumière sur son enfance, et comprenne enfin ce qui s’est vraiment passé. Un admirable roman de formation et une réflexion sur les troubles de l’Histoire.

https://www.franceinter.fr/emissions/l-humeur-vagabonde/l-humeur-vagabonde-20-avril-2019

 

Alexandre Pouchkine, La Fille du capitaine, suivi de Pouchkine et Pougatchov de Marina Tsvetaïeva, traduit du russe par André Markowicz et Françoise Morvan, Actes Sud, mai 2020, 8.50 €

Pour détourner la censure du tsar, Pouchkine revient sur une révolte paysanne de la fin du xviiie siècle et écrit un chef-d’oeuvre de la littérature russe – à la fois roman d’apprentissage, roman d’aventures, roman historique, poème allégorique et dénonciation du pouvoir. Le texte que Marina Tsvetaïeva lui consacrera, et qui vient compléter cette édition, est un hymne au triomphe de la poésie sur l’histoire événementielle. André Markowicz poursuit son entreprise de retraduction de l’oeuvre de Pouchkine, ici avec la collaboration de Françoise Morvan avec laquelle il a traduit tout le théâtre de Tchekhov.

https://www.franceculture.fr/emissions/les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance/lame-russe-14-pouchkine

POÉSIE

Alain Guillard, Et n’oublie pas la lumière avant de…, L’Amourier, mars 2020, 180 p., 15.20 €

D’une écriture tendue, Alain Guillard, à coups de phrases syncopées, nous livre le portrait d’un homme écorché que son extraordinaire présence au monde (lumières, sons, oiseaux, paysages urbains) finira sans doute par réconcilier.

Murs envahis de silence où le moindre craquement fait feu au cœur.
Deux pôles aimantent l’existence douloureuse de Pierre : d’une part l’alcool qui anesthésie, d’autre part, la rencontre amoureuse avec des fem­mes et des hommes, et jusqu’au travestissement, tant son indif­férenciation sexuelle le rend perméable à autrui. Écartelé, Pierre marche sa vie au gré des êtres et des lieux, entre vifs moments du jour et temps de l’enfance, entre drames et pauvres événements ; tout cela précis, sensible, consigné pas à pas en ses cahiers.

https://www.humanite.fr/quete-du-nom-dalain-guillard-612278

 

ESSAIS

Oliver Sacks, Chaque chose à sa place, traduit de l’anglais (États-Unis) par Christian Cler, mai 2020, Christian Bourgois, 304 p., 22 €

Le syndrome de Gilles de la Tourette est-il héréditaire ? Qu’est-ce que la clupéophilie ? Comment appréhender les expériences de mort imminente ? Autant de questions abordées par Oliver Sacks dans Chaque chose à sa place. Qu’il parle de natation, des musées londoniens, de ses dissections de seiches, qu’il décrive des cas neurologiques ou aborde des sujets aussi variés que la vie extra-terrestre, les fougères et autres plantes de Park Avenue, c’est toujours avec le même précieux mélange d’érudition, de sensibilité et d’humour qu’il dépeint, explique ou théorise. Le lecteur découvrira l’homme derrière l’écrivain neurologue, un formidable pédagogue capable de nous passionner en toute chose.

« «J’ose néanmoins espérer que la vie humaine et la richesse de nos diverses cultures survivront malgré tout, même sur un globe terrestre ravagé. » Il y a une forme de promesse dans ce désespoir. Pour Sacks le cerveau, y compris dans ses pathologies les plus douloureuses, vaut encore tous les voyages. » Livres hebdo, 13 mars 2020

 

Hartmut Rosa, Rendre le monde indisponible, traduit de l’allemand par Olivier Mannoni, Éditions de la Découverte, janvier 2020, 144 p., 17 €

Dominer le monde, exploiter ses ressources, en planifier le cours… Le projet culturel de notre modernité semble parvenu à son point d’aboutissement : la science, la technique, l’économie, l’organisation sociale et politique ont rendu les êtres et les choses disponibles de manière permanente et illimitée.
Mais alors que toutes les expériences et les richesses potentielles de l’existence gisent à notre portée, elles se dérobent soudain à nous. Le monde se referme mystérieusement ; il devient illisible et muet. Le désastre écologique montre que la conquête de notre environnement façonne un milieu hostile. Le surgissement de crises erratiques révèle l’inanité d’une volonté de contrôle débouchant sur un chaos généralisé. Et, à mesure que les promesses d’épanouissement se muent en injonctions de réussite et nos désirs en cycles infinis de frustrations, la maîtrise de nos propres vies nous échappe.
S’il en est ainsi, suggère Hartmut Rosa, c’est que le fait de disposer à notre guise de la nature, des personnes et de la beauté qui nous entourent nous prive de toute résonance avec elles. Telle est la contradiction fondamentale dans laquelle nous nous débattons. Pour la résoudre, cet essai ne nous engage pas à nous réfugier dans une posture contemplative, mais à réinventer notre relation au monde.

 « Le monde n’est jamais à disposition, façonnable à loisir, malléable selon nos volontés. Cette évidence, la modernité a eu fortement tendance à l’oublier, croyant pouvoir tout contrôler, accélérant tout pour courir après une maîtrise intégrale. […] Rendre le monde indisponible au lieu de vouloir le transformer, voilà la tâche qui s’impose désormais. » Le Monde des Livres, 22 janvier 2020

 

Pierre-André Juven, Frédéric Pierru, Fanny Vincent, La Casse du siècle, A propos des réformes de l’hôpital public, Raisons d’agir, avril 2019, 192 p., 8 €

Des couloirs transformés en hébergements de fortune, des personnels de santé au bord de la crise de nerfs, des mobilisations récurrentes, l’hôpital public est mis à rude épreuve. Ce livre propose une analyse des politiques hospitalières successives qui ont abouti à la crise actuelle. Une véritable casse de ce service public est engagée par des réformateurs adeptes de l’acculturation de l’univers médical à des logiques managériales qui contredisent son bon fonctionnement.
À l’encontre de toute évidence, les défenseurs d’une réorganisation du travail continuent de promouvoir à la fois des indicateurs de rentabilité ineptes et une vision techniciste de la médecine qui prétend substituer l’innovation aux relations humaines. Alors que la montée de la précarité et des souffrances sociales née de décennies de politiques néolibérales conduit une part croissante de la population à trouver refuge dans des services hospitaliers sous tension, l’hôpital se trouve devoir résister aussi bien aux manquements de la médecine de ville qu’à la concurrence de cliniques privées largement dispensées des obligations de service public. À l’heure où les mobilisations pour le défendre s’intensifient, un débat s’impose sur les missions de l’hôpital et les moyens qui lui sont accordés.

https://laviedesidees.fr/Pourquoi-l-hopital-n-est-pas-une-entreprise.html

  

BANDES DESSINÉES

Benjamin Adam, Thomas Cadène, Soon, Dargaud, octobre 2019, 240 p., 27 €

En 2151, la population mondiale a été divisée par dix en raison des dégâts climatiques. L’humanité vit dans un équilibre précaire. Regroupée dans sept zones urbaines, elle a inventé de nouveaux modèles de vie sociale. Ailleurs, la nature s’étend librement. Simone, astronaute, fait partie d’une mission d’exploration spatiale nommée « SOON » : un voyage sans retour, un projet d’une ambition inédite dans l’histoire de l’humanité.

Avant le grand départ, elle emmène son fils Youri pour un dernier road-trip. Au contact du monde, Youri comprendra-t-il le désir d’absolu, d’aventure et d’inconnu de sa mère ?

« Ne faisons pas l’économie des superlatifs. Soon est une œuvre magistrale, concoctée avec une cohérence absolue par Thomas Cadène, qui cosigne le scénario avec Benjamin Adam, lequel se charge aussi du dessin. » Ouest France, 6 janvier 2020.

 

David Snug, Dépôt de bilan de compétences, Nada éditions, février 2020, 96 p., 15 €

Dans cette nouvelle BD, David Snug s’inspire de son parcours professionnel pour nous livrer une critique du travail décalée et documentée. Héritier de Bob Black et Paul Lafargue, il dénonce avec humour l’absurdité du salariat et les travers du capitalisme tout en cultivant ce goût pour la liberté et l’autonomie qui lui sont chers.

De ses études d’arts appliqués à l’usine en passant par la case chômage, l’intérim et son lot de boulots précaires, il aborde la question du déterminisme social, la pénibilité du travail à la chaîne, la vacuité des formations dites professionnalisantes, pour pointer les dysfonctionnements du système et prôner une vie en marge, mais pas oisive, et envisager des pistes alternatives d’activités.

« Simple, imaginatif, son trait, qui évoque Robert Crumb ou Joe Matt, joue avec les codes de la BD et fait souvent mouche. Mais l’humour et la satire sociale ne sont pas ici une fin en soi, l’auteur poursuit un propos plus ambitieux : démontrer, à la suite de l’anarchiste Bob Black ou de l’écrivain Paul Lafargue, que le travail n’est pas plus un dogme que le salariat une fatalité. » Télérama, 5 mai 2020

  

HISTOIRE

Gérard Macé, Le Navire Arthur et autres essais, Arléa, 104 p., 15 €

Alors que l’hygiène semble être une préoccupation constante de notre époque, et que nous nous détournons de ce qui s’abime et se corrompt, les déchets s’accumulent, la menace écologique est majeure et les maladies refont surface.
En suivant le parcours de trois médecins – Parent-Duchâtelet confronté aux épidémies sur le navire Arthur vers les Antilles au XIXe siècle ; le docteur Adrien Proust (père de Marcel) dans sa lutte contre la peste et le choléra ; ou le mythe du docteur Destouches –, Gérard Macé dénonce un hygiénisme qui peut se transformer en eugénisme, ou en pureté imaginaire, quand la raison n’est plus à l’œuvre.
Mais par la grâce de la littérature il nous rappelle aussi les métamorphoses sans lesquelles la vie ne pourrait triompher.

« Ne pas s’attendre à un manifeste contre l’hygiénisme ambiant, cette époque aseptisée obsédée par une pureté originelle, purement fantasmée. Comme à son habitude, Gérard Macé, pour érudit qu’il soit, n’élabore pas de grandes théories et préfère emprunter les sentes de l’errance poétique, une pensée plus en arabesques qu’en postulats carrés. » Livres hebdo, 21 février 2020.

  

JEUNESSE

Meg Grehan, En apnée, traduit de l’anglais (Irlande) par Aylin Manço, Talents hauts, janvier 2020, 160 p., 14 €

Maxime est une fille. Elle a onze ans, elle aime sa mère qui l’élève seule, les livres et savoir plein de choses sur tout. Dans ce monde complexe, aimer et savoir la rassurent.
Maxime sait des choses sur les baleines, sur les créatures sous-marines, sur son meilleur ami de toujours, Adam, et aussi, qu’elle ne sait pas tout. Par exemple, elle ne sait pas expliquer ce qu’elle ressent pour Chloé, ce sentiment nouveau et étrange, un émoi qu’elle ne comprend pas. Elle aimerait savoir si c’est ce qu’on appelle un coup de foudre et, comme elle est une fille et Chloé aussi, si elle a le droit de ressentir ça pour elle.

« Est-ce qu’une fille peut être amoureuse d’une autre ? » Et comment en parler avec Maman qui, d’habitude, a réponse à tout ? Meg Grehan aborde ces questions avec la force de la simplicité, avec une intelligence du regard et des mots qui fait merveille, magnifiquement rendues en français par Aylin Manço. » Télérama, 5 mai 2020

 

PÉDAGOGIE PRATIQUE

Daisy Stoloff, Sacha Stoloff, Expression corporelle, 2-6 ans, Retz, juin 2020, 18.20 €

Un ouvrage clé en main pour mener des séances d’expression corporelle, simples et très riches pour les enfants (mouvements et émotions). Un livre indispensable pour ceux qui souhaitent appréhender de façon innovante l’activité physique sous forme poétique, créative et humoristique, en osant lâcher prise.

La motricité tient une très grande place dans la petite enfance. Pourtant, il est rare que les professionnels proposent des activités où l’enfant agit avec son corps tout entier. C’est l’intention de cet ouvrage. Après une introduction plus théorique qui donne du sens à la pratique, il propose 10 séances d’expression corporelle pour favoriser et stimuler le développement psychomoteur des enfants de 2 à 6 ans.
À partir d’une histoire contée thématique et en lien avec les éléments de la nature, chaque séance propose des activités en mouvement à réaliser avec du matériel simple. La liste des accessoires et des suggestions musicales sont fournies.
Ces activités suscitent le plaisir, l’imaginaire, la créativité et l’engagement des enfants.
De nombreuses photos présentent les enfants en situation.
Les séances peuvent être facilement adaptées en fonction des caractéristiques du groupe d’enfants ou des préférences de l’adulte.

 

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